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L’ESPRIT PUBLIC AU CANADA

églises échangent leurs prêtres ; les champs de chasse sont les mêmes, les mêmes aussi les sites de villégiature estivale. Les Canadiens lisent les journaux et périodiques américains ; la monnaie américaine a cours partout sauf dans les administrations d’État. New-York est la Bourse du Canada. Les mariages sont fréquents entre gens des États Unis et du Canada. Les seules barrières qui se dressent entre les deux pays sont les limites politiques et les lignes douanières. L’esprit est le même ; la forme des institutions gouvernementales est à peu près semblable. Conclusion : aucun élément de discorde entre les deux pays voisins et des points de contact nombreux.

Quel est l’état d’esprit de la colonie à l’égard de la métropole ? À un certain moment les Canadiens ont estimé que la mère-patrie ne soutenait pas leurs droits — ou ce qu’ils considéraient comme tels — avec une énergie satisfaisante, notamment dans les questions de délimitation territoriale. On ne peut non plus cacher que certains hommes politiques canadiens ont embrassé avec une chaleur bien vive la cause des Irlandais réclamant le Home rule. Récemment Sir Wilfrid Laurier, premier ministre du Dominion, membre du conseil privé, a souhaité publiquement la bienvenue au nationaliste irlandais Fenian qui venait de faire à New-York une profession de foi retentissante, a assisté à une réunion organisée par lui, a provoqué en sa faveur un vote de remerciements et a souscrit à la caisse de son parti.

Les Canadiens ne témoignent pas non plus d’un très vif enthousiasme pour la Fédération impériale dont on n’a jamais pu définir clairement le but, ni le fonctionnement, ni les pouvoirs.

D’un autre côté, en Angleterre, on fait grand cas du contingent fourni par le Canada dans la guerre sud-africaine, sans bien se rendre compte que la majorité de ceux qui s’enrôlèrent étaient de ces gens qu’on rencontre dans les colonies plus qu’ailleurs et dont l’esprit inquiet est facilement gagné à la perspective d’aventures militaires. D’ailleurs la métropole, qui s’étonne des droits de douane qui frappent les produits anglais à leur entrée au Canada, n’a jamais voulu lever l’embargo sur le bétail canadien. Enfin, en se retirant du continent américain en tant que puissance militaire, en s’en remettant à la doctrine de Monroë pour la défense