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UNE SEMAINE À MASCATE

on l’a fait chevalier de la Légion d’honneur…, mais au lieu de l’envoyer dans un poste où pourraient s’affirmer ses brillantes qualités, au Maroc par exemple, on l’a nommé dans une localité sans importance où son zèle reste sans objet.

Le soir venu, nous sommes montés sur la terrasse où nos matelas sont étalés. Il fait chaud toujours, si chaud que nous dormons vêtus comme les natifs d’une simple chemise de mousseline : elle nous parait trop lourde encore, et la nuit, nous nous éveillons trempés de sueur. Quel abominable climat !

Le lendemain, nous allons à Mattrah, ville voisine, entrepôt du commerce intérieur, point d’arrivée des caravanes. Partis en pirogue dès le lever du soleil, nous doublons le village de Telbou et croisons un assez grand nombre d’embarcations indigènes de forme bizarre nommées là bas béden. Mattrah est plus peuplée que Mascate, beaucoup plus animée. Ses bazars sont bruyants. Nous y achetons des dattes et du raisin, fruits déjà murs à la fin mai ! Nous sommes naturellement un objet de curiosité publique mais à aucun moment ne se manifeste aucune hostilité à notre égard. Nous nous rembarquons sans incident et aspirons avec jouissance la brise de mer jusqu’à Mascate où nous rentrons dans l’entonnoir-étuve.

L’autre jour se passe en visites à la colonie européenne. C’est bientôt fait : le consul d’Angleterre et sa femme, le vice-consul des États-Unis, le consul de France et un commerçant français — en tout cinq personnes — la composent. La vie mondaine est peu absorbante à Mascate.

Vers le soir nous allons à Sidab, village environnant, situé sur la hauteur. Que de peine pour y arriver, mais que de satisfaction quand on s’y trouve ! On y respire, d’abord, et puis on y domine un panorama admirable en présence duquel on oublie la fatigue, la chaleur, la bourbouille[1], pour ne songer qu’à la beauté farouche de ce pays dont l’aspect même semble avertir l’Européen qu’il n’est pas là chez lui, qu’il ne doit pas y vivre, que la nature est contre lui.

En rentrant à la maison de France, nous recevons la visite du Premier ministre, un grand vieillard tout blanc de peau, tout blanc de barbe et de cheveux, d’une distinction suprême et d’une extrême simplicité : il nous annonce que son auguste maître a

  1. Éruption cutanée causée par la chaleur.