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CE QUI RESTERA DU SOCIALISME

par la création d’unions syndicales, de ligues patronales, de trusts défensifs. À cet égard, il est vrai, l’Européen est très en retard ; à lui de rattraper le temps perdu en cherchant à conclure des alliances défensives avec ceux dont les intérêts concordent avec les siens et dont il n’a pas su se rapprocher suffisamment jusqu’ici.

Est-ce à dire que le solidarisme qui, n’en déplaise aux beaux parleurs socialistes, existait autrefois tout comme de nos jours, et se manifestait notamment dans l’organisation de la propriété — est-ce à dire que ce solidarisme ait disparu ? Non pas, mais il s’est fait en quelque sorte anonyme et volontaire, ce qui l’allège d’autant. Ces souscriptions, ces cotisations versées à d’innombrables sociétés, lesquelles se proposent toutes sortes d’objets respectables et utiles, voilà une formule solidariste nouvelle, dont le développement a été rapide, et dont il est aisé de prévoir que ce développement est encore bien loin de son terme. Enfin, il existe désormais un « luxe collectif » dont petits ou grands, propriétaires ou non profitent également. C’est le luxe des transports rapides, de la lumière, du télégraphe, du téléphone. Des chaumières de paysans sont aujourd’hui éclairées dans tel village de montagne comme ne pouvaient l’être naguère les appartements du plus puissant souverain ; un pauvre hère, s’il a quelques francs en poche, se rend de Paris à Rouen dans le temps que le roi Louis xiv mettait pour venir de Versailles à sa capitale, et pour cinquante centimes il reçoit du bout de la France en quelques heures, les nouvelles que madame de Pompadour, toute pressée qu’elle fut, recevait en six jours. Ce luxe est tellement entré dans les habitudes, que si l’on offrait aux contribuables de le leur retirer moyennant une détaxe complète d’impôts, ils s’insurgeraient tout simplement. Or, ce sont là plus ou moins affaires d’État. L’État peut distribuer des monopoles et accorder des concessions ; il n’en est pas moins forcé de réglementer et de surveiller la façon dont se prépare et se distribue le luxe collectif.

Telles sont, en une brève esquisse, les métamorphoses subies par la propriété. L’hérédité est atteinte de son côté et voici comment. La famille s’éparpille et surtout ne se tient plus sur le même plan social. Il n’en reste que l’élément primordial, central, le foyer. On a beau épiloguer à cet égard, rien n’établit que les relations de parents à enfants et vice versa se soient relâchées ; le contraire serait plutôt exact. Les questions d’éducation prennent de jour en jour plus d’intérêt ; les pères et mères assurément s’occupent plus