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REVUE POUR LES FRANÇAIS

Les Français se sont souvent reproché à eux-mêmes de manquer d’initiative et ont cru y voir le motif de leur prétendue incapacité colonisatrice ; en réalité ce n’est pas l’initiative qui leur manque mais le sens et le goût de l’indépendance individuelle sans lesquels l’initiative ne donne jamais tous ses fruits.

Une dernière remarque relative à la force du lien provincial. Pendant presque deux siècles, presque toute la vie des Le Moyne reste confinée entre l’Amérique française et la Normandie. De Paris, il n’est pas question ; les autres provinces de France semblent inexistantes. Leur pensée se meut, leur effort s’accomplit au dedans d’un triangle dont Rouen, Québec et la Nouvelle-Orléans occupent les sommets. Et l’on sent néanmoins combien profonde est leur foi patriotique et quel écho superbe éveille en leurs cœurs le souci du renom de la France. Nous possédions à cette époque le germe d’un puissant fédéralisme en même temps que la certitude d’un patriotisme inébranlable. Qui sait si, en cultivant parallèlement ces deux éléments au lieu de les opposer l’un à l’autre, nous n’aurions pas réalisé à notre profit la combinaison résistante et productive qu’allait poursuivre — et dans des conditions bien moins favorables — le vouloir opiniâtre de la jeune république des États-Unis.


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CE QUI RESTERA DU SOCIALISME



Il est également illusoire de croire que le mouvement socialiste touchera au but visé par ceux qui le conduisent ou y participent — et d’espérer qu’il passera sans poser d’empreinte sur les institutions et sur la vie des hommes. Jamais rien de pareil ne s’est produit dans le monde. Tous les grands mouvements ont dévié et tous ont laissé derrière eux des traces plus ou moins profondes. Est-ce que l’empire néronien répondait à la conception d’Auguste ? Est-ce que l’église de Constantin réalisait les espérances des apôtres ? Est-ce que le protestantisme actuel est conforme aux enseignements de Luther et de Calvin ? Les encyclopédistes voulaient-ils déchaîner la révolution française ? Et la révolution, à son tour,