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UNE FAMILLE D’AUTREFOIS

à des garçons en qui se révèle le vieil esprit d’aventure qui avait actionné tant de membres de leur famille. Seulement comme les temps sont changés, c’est sur les champs de bataille d’Europe qu’ils essayent de se tailler leur part de gloire. Leur aîné, mousquetaire à cheval dans la garde du roi, puis capitaine au Royal Navarre reçoit dix blessures à la bataille de Minden. Mais la guerre continentale répond insuffisamment à leurs instincts normands ; la mer tend à les reconquérir. Déjà l’un d’eux est capitaine de frégate, Pierre-Antoine Le Moyne qui expirera au siège de Savannah en combattant pour l’indépendance des États-Unis. Les sédentaires, ce sont maintenant les Le Moyne de Martigny fixés au Canada et entrés dans les carrières civiles où leur nom est, aujourd’hui encore, honorablement représenté. Ce qui reste de la descendance de Charles Le Moyne s’est réfugié dans la marine militaire. Sept Le Moyne y servent à la fois. Le dernier dont il soit possible de retrouver la trace, meurt prématurément à Toulon, étant lieutenant de vaisseau. Ils n’ont plus à Montréal qu’un cousin, Joseph-Dominique-Emmanuel qui, après la conquête, a passé au service de l’Angleterre, est devenu inspecteur de la milice et membre du conseil législatif de la province — et puis la veuve du chef de leur branche, une femme d’un caractère entier et bizarre qui a accouché de deux jumelles plusieurs mois après la mort de son mari tué à la bataille dite du Saint-Sacrement, s’est remariée à un officier anglais le capitaine Grant et, contre tous droits, transmet à la famille de ce dernier la baronnie de Longueil érigée par le roi de France en reconnaissance des services rendus par Charles Le Moyne.

Il est bien difficile d’apprécier les causes de la quasi disparition de cette nombreuse et robuste lignée ; on ne saurait du reste tirer sans imprudence des conclusions générales d’une monographie unique. Les tables généalogiques des Le Moyne donnent lieu pourtant à quelques observations intéressantes. Et d’abord en ce qui concerne la natalité. Elle est d’une irrégularité singulière. Dès la première génération, Pierre Le Moyne, de Rouen, a cinq enfants ; de ses deux frères Canadiens l’un, Jacques, a deux enfants ; l’autre, Charles, en a quatorze. À la génération suivante, l’un des Rouennais n’a pas d’enfants, l’autre en a dix. La branche qui subsistera et