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LA CHINE NOVATRICE

ment compris l’infériorité de leur système d’enseignement et se sont appliqués à concilier l’étude des sciences européennes avec la connaissance des vieux auteurs chinois. Le fameux Tcheng-Chi-Tung, qui a joué un rôle très important dans la préparation de cette réforme de l’enseignement, a clairement expliqué comment il n’existait aucune opposition entre « la science chinoise qui règle le cœur de l’homme et la science européenne qui répond aux nécessités de la vie extérieure. »

Peu à peu l’influence occidentale a transpiré dans les questions posées aux examens. Hier encore, elles se rapportaient toutes à des sujets purement abstraits ; à présent, la plupart sont du genre de celles-ci : « L’adoption de la civilisation occidentale a rendu le Japon puissant, mais elle a fait perdre à l’Égypte son indépendance. Que doit penser la Chine de ces deux exemples ? — Par quels moyens pacifiques et légaux la Chine pourrait-elle obliger les États-Unis à lever l’interdiction de l’entrée des Chinois sur leur territoire ? » N’est-ce pas typique et suggestif ? D’ailleurs les anciens examens ont été abolis par décret de 1905 et continuent seulement pendant quelques années par mesure transitoire. L’enseignement pratique et spécial se substitue partout à l’enseignement routinier et abstrait qui fut la gloire de l’ancienne Chine. On apprend les langues étrangères. On s’instruit par tous les moyens. On s’expatrie dans les universités d’Amérique et d’Europe. En 1904, il y avait au Japon 2.000 étudiants chinois ; il y en a 10.000 aujourd’hui !

À l’opposé de la Chine ancienne, la Chine de nos jours est complètement antimilitaire. Un dicton populaire très en faveur là-bas proclame que « de même que les clous ne sont pas faits du meilleur fer, de même les militaires ne peuvent être faits des meilleures gens ». Les soldats y sont méprisés ; leur état est le dernier des métiers. Personne n’a de goût pour la violence, pour les combats ; on crie beaucoup, on aime à disputer, mais on en vient rarement aux coups et on ne porte jamais d’arme. Depuis deux siècles et demi que la dynastie mandchoue s’est appliquée à démilitariser le pays pour le mieux dominer avec sa poignée de gardes tartares, la Chine guerrière s’est transformée, suivant la juste expression de M. René Pinon, en une « nation de petits boutiquiers et de petits cultivateurs ». Elle a perdu tout sentiment patrio-