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LA CHINE NOVATRICE

plète de ce livre mais il a réveillé en nous tant de souvenirs personnels qu’il a inspiré cet article où il se trouve souvent cité.

Sur quels faits, sur quelles impressions, sur quels textes a été bâtie la légende de la Chine immuable, éternellement vieille ! Ouvrez cent ouvrages : quatre-vingt-dix-neuf insistent longuement sur l’immobilisme chinois et vous affirment que la Chine de nos jours est identique à tous égards à la Chine du plus lointain passé ; pour eux les origines du céleste empire remontent aux âges préhistoriques et nous trouvons dans son gouvernement, dans ses populations, dans son aspect actuels l’antiquité encore vivante.

Ce singulier cliché s’est imposé à la croyance du monde occidental à tel point qu’il semble téméraire de le vouloir briser. Il faut pourtant savoir la vérité. Ceux qui l’ont cherchée, trouvée aux sources authentiques doivent la répandre. Tandis que le monde jaune nous étudie, nous observe profondément, nous avons intérêt à l’observer, à l’étudier de même. Aux dépens de la Russie, l’Europe a expérimenté sa méconnaissance du Japon ; aux dépens de tous ses membres, elle expérimenterait demain son ignorance du monde chinois. Connaissons donc la Chine et sachons la voir telle qu’elle est, non plus dans la légende mais dans l’histoire.

D’abord la Chine n’est pas très vieille. La Chaldée et l’Égypte ont été de longtemps ses aînées en puissance. Elles déclinaient déjà que l’empire du Milieu n’existait pas encore. Il est donc absolument faux de représenter le céleste empire comme « le plus vieux pays du monde ». Son premier empereur digne de ce nom vécut seule ment au iiie siècle avant notre ère.

Et quelle différence entre la Chine des premiers siècles et celle de nos jours ! Que de secousses depuis vingt-trois siècles ! En vérité la Chine n’a pas cessé d’être en mouvement et en transformation ; peu de régions au monde ont jamais éprouvé de semblables bouleversements.

Elle fut longtemps un pays de guerres. Sous les Han, au ier siècle avant notre ère, les armées chinoises avancèrent jusqu’au lac Baïkal, jusqu’à la mer d’Aral, occupèrent la Sogdiane et subjuguèrent les populations grecques qu’y avait établies Alexandre le Grand. Sous les T’ang, au viie siècle, elles envahirent la Perse et l’Inde. Sous les Mongols, au xiiie siècle, leur domination s’étendit à l’Asie entière. Sous les Ming enfin, la dernière dynas-