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REVUE POUR LES FRANÇAIS

Élections anglaises.

Le système électoral que suivent nos voisins d’Outre-Manche diffère essentiellement du nôtre sur deux points. Chez nous les élections parlementaires se font le même jour dans toute l’étendue du territoire ; les Anglais les font durer une vingtaine de jours, les autorités locales ayant le droit d’en fixer la date selon les convenances de leurs administrés dans les limites d’un délai prévu par la loi. Il y a à cela un très grave inconvénient ; les premiers succès connus influencent le vote des électeurs et enlèvent à cette grande consultation la plus large part de sa spontanéité. Voilà donc une réforme qu’il serait utile à l’Angleterre d’accomplir en prenant modèle sur ce qui se passe en France. Par contre, sur le deuxième point, on peut se demander si nous n’aurions pas intérêt à nous inspirer de son exemple, Beaucoup d’élections, en effet, n’y ont pas lieu du tout… faute de candidats ou mieux faute de concurrents. Chaque candidature doit être présentée par écrit par dix électeurs inscrits dans la circonscription ; qu’une seule candidature soit ainsi présentée, le candidat est proclamé élu. On s’est épargné les frais, les soucis, les agitations inséparables d’une campagne électorale : la moralité, le travail y gagnent. L’esprit politique également car un tel résultat ne saurait s’obtenir sans entente, sans réflexions, sans concessions de la part des électeurs. À vrai dire, il y aurait quelque chose d’encore meilleur ; ce serait un système de représentation proportionnelle assurant aux minorités un nombre de sièges correspondant à leur valeur numérique. Mais ceci est trop beau pour permettre de l’escompter.

Ces élections anglaises ont amené, comme chacun le sait, le triomphe écrasant des libéraux. L’ex-Premier, M. Balfour, qui avait été ministre presque sans interruption depuis son entrée à la Chambre des Communes il y a vingt ans et qui avait, par la suite, succédé à son oncle, Lord Salisbury, comme chef du gouvernement conservateur a été battu à plate couture. Cela ne s’était jamais vu. Au point de vue britannique il n’y a pas à s’en réjouir. L’harmonie et la solidité des institutions parlementaires en Angleterre proviennent d’une espèce de collaboration entre le parti au pouvoir et l’opposition. Des traditions qui sont l’honneur de la Chambre des Communes font du chef de l’opposition le critique courtois et, par là, l’utile auxiliaire du cabinet en exercice. À l’occasion, du reste, l’antagonisme cesse et un accord partiel et passager s’établit