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LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

le premier devoir de sa charge, celui qui consiste à représenter la République vis-à-vis des autres nations.

Est-il désarmé à l’intérieur ? Cette opinion a pour elle d’avoir été professée par deux des principaux intéressés. L’un s’est plaint avec tant d’amertume d’une situation jugée intolérable qu’il a préféré y renoncer ; l’autre a fait l’aveu de son impuissance dans une circonstance mémorable et récente mais en termes si discrets qu’on pourrait y voir une excuse pour n’avoir pas agi suffisamment plutôt qu’un regret de n’avoir pu agir davantage.

Les prérogatives que lui attribua la Constitution de 1875 ne permettent pas au président de gouverner directement mais elles lui fournissent de nombreux moyens d’intervenir dans le gouvernement. Il a le droit de choisir ses ministres et de présider leur conseil, de communiquer avec le parlement par voie de message, d’exercer une sorte de veto suspensif en réclamant une nouvelle délibération sur une loi avant de la promulguer, d’en appeler enfin au pays en prononçant, d’accord avec le Sénat, la dissolution de la Chambre. Voilà certes, des privilèges effectifs et qui le font l’égal en pouvoir de plus d’un souverain constitutionnel. Quelques-uns de ces privilèges, direz-vous, sont tombés en désuétude ; mais l’homme qui voudrait les remettre en vigueur aurait la loi pour lui et, à condition d’y apporter du doigté et de l’à-propos, y réussirait probablement. Quand Félix Faure s’avisa de présider les séances du Conseil supérieur de guerre, il rénova un usage abandonné depuis le maréchal de Mac-Mahon ; personne pourtant ne protesta. Quand il accepta de se rendre à Pétersbourg pour y être l’hôte de Nicolas ii, il innova de tous points car l’opinion n’était pas préparée à envisager la possibilité de semblables voyages ; or l’innovation devint la règle…

Mais, sans rien innover ni rénover, le président puise dans sa réserve apparente, dans l’effacement relatif qui lui sont imposés plus encore par les mœurs que par les textes, des facilités quotidiennes en vue de remplir ce rôle d’arbitre des partis si heureusement défini par Carnot. Inamovible pendant sept années, en contact perpétuel avec le pays, entouré de parlementaires qu’il a fréquentés librement et dont il connaît le fort et le faible, gardant à portée les sources d’informations les plus variées, pouvant assister ou prendre part selon son gré aux échanges de vues des ministres, se retranchant enfin quand il en est besoin derrière son