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LA PRÉSIDENCE

DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



L’élection du nouveau chef de l’État et la transmission des pouvoirs présidentiels nous ont valu d’instructives statistiques, et d’intéressantes anecdotes. Nous avons réappris la façon dont les suffrages s’étaient partagés aux précédents congrès, les majorités dont avaient bénéficié les élus et jusqu’au nombre de crises ministérielles qu’une fois en fonctions, chacun d’eux avait été appelé à dénouer. On nous a décrit la mélancolie philosophique avec laquelle, en 1887, Jules Ferry avait prédit l’échec de sa propre candidature et le dilettantisme souriant avec lequel en 1895 Waldeck-Rousseau avait retiré la sienne.

Ces détails ne sont point sans valeur mais il y aurait une question plus haute, plus impersonnelle et, partant, plus importante à élucider. Dans quelle proportion la présidence de la République assure-t-elle à celui qui l’exerce les deux éléments indispensables d’un pouvoir suprême — si limitée qu’en soit d’ailleurs la formule — à savoir le prestige à l’extérieur et l’influence à l’intérieur ? On a nié avec obstination et véhémence que le chef de l’État, sous le régime actuel, put posséder ni prestige ni influence. Qu’en disent les faits, ces grands vérificateurs de l’histoire ?

Leur langage est précis. Ils constatent que, vis-à-vis de l’étranger, le prestige de la présidence française n’a pas cessé de grandir depuis que M. Carnot entreprit la tâche ingrate et nécessaire de la relever du rang où, un peu par calcul mais surtout par instinct M. Grévy l’avait laissé décheoir. Ses successeurs, parachevant sa tâche, ont réussi à se mettre en rapports fréquents avec les cours d’Europe et à trouver, non sans quelques tâtonnements protocolaires, la juste mesure dans laquelle ils pouvaient prétendre aux honneurs souverains sans en être écrasés et marcher de pair avec les rois sans craindre de ridiculiser leur éphémère dignité et leur