Page:Revue pour les français, T1, 1906.djvu/581

Cette page a été validée par deux contributeurs.
439
LA FRANCE COLONIALE

mer. Ils y tiennent et sauraient les défendre au besoin presque comme une partie d’eux-mêmes. C’est un avantage du nouvel empire sur l’ancien.

Cependant, les aptitudes coloniales n’ont pas varié. Comme jadis en Louisiane et au Canada, nos compatriotes manifestent leur vitalité et font souche partout où ils émigrent. Je les ai vus à l’œuvre à côté des colons anglais qu’on leur donne sans cesse en exemple et la comparaison m’est apparue absolument à l’avantage des nôtres. Leur seul défaut, c’est de ne pas être assez nombreux.

La partie faible de notre œuvre est plutôt l’administration. Exagérant la centralisation, nous avons prétendu gouverner de Paris toutes nos possessions. Sacrifiant à la « science coloniale », nous avons voulu les diriger toutes suivant une même méthode. Il nous a fallu des années pour reconnaître cette erreur. L’ayant connue, nous l’avons très imparfaitement corrigée. Aujourd’hui encore, le gouverneur d’une colonie française qui prend en connaissance de cause, sur place, une décision quelconque, risque d’en voir détruire reflet par l’intervention irraisonnée d’un fonctionnaire de l’« administration centrale » qui n’a jamais quitté Paris. Ainsi sont étouffées quantité d’initiatives utiles. C’est contraire au bon sens. Chaque colonie doit être administrée d’une façon différente, selon sa position, selon ses ressources, selon son peuplement ; elle connaît ses besoins et ses forces : laissons-la donc tracer elle-même sa voie d’avenir, assurons lui notre concours, soyons pour elle un protecteur, un conseiller et jamais un tyran.

À cette désastreuse ingérence de la métropole s’est ajoutée l’influence plus néfaste encore de la politique de partis. En autorisant certaines de nos colonies à nommer des députés, à élire des conseils généraux, nous y avons introduit un germe de discorde, nous les avons détournées de leur véritable rôle.

Une autre plaie de l’administration coloniale est le développement du fonctionnarisme. Nos employés d’État, d’ailleurs insuffisamment rétribués, sont beaucoup trop nombreux. Ils vivent en parasites sur le budget des colonies. C’est la conséquence du régime des recommandations politiques qui a entraîné chez nous-mêmes tant d’abus flagrants. La surabondance des fonctionnaires coloniaux n’a pas été sans exagérer notre habituelle tendance à l’administration directe. Pour leur faire place nous avons sup-