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LA FRANCE COLONIALE

Tahiti, desservie par les lignes de navigation américaines et australiennes, n’est reliée à la France que par quelques voiliers de Bordeaux qui font le voyage en quatre mois, par le cap Horn !

Cette situation nous apparaît doublement triste en raison de la position magnifique que ces établissements occupent sur le chemin de Panama. Au jour du percement de l’isthme, nous y trouverons un point d’appui précieux… si nous avons su le conserver.

En fait, l’Océanie française subit l’action fatale de sa situation géographique. Émiettés aux antipodes de la France, ses territoires éprouvent l’attraction de leurs grands voisins : l’Amérique et l’Australie. Ils sont trop loin de nous, et trop près d’eux.

Est-ce un motif pour les abandonner, pour renoncer à notre part de bénéfice dans la conquête de l’hémisphère austral ? C’est au contraire, nous semble-t-il, une raison de mieux veiller sur eux. L’importance de ces possessions, qui nous parait médiocre lorsque nous les considérons séparément, grandit beaucoup lors que nous les jugeons d’ensemble. Leurs intérêts sont solidaires : l’administration coloniale les a grossièrement méprisés en les isolant complètement les unes des autres. Les deux principaux groupes s’ignorent. Pour aller de Nouméa à Papeete, il faut passer par l’Australie et suivre une route quatre ou cinq fois plus longue que la distance de ces deux villes. Ce défaut de cohésion est un non-sens. Hâtons-nous d’y remédier si nous voulons sauver l’Océanie française des accaparements qui la menacent et préserver dans cette partie du monde l’influence de notre pays.



Ayant achevé de résumer l’œuvre coloniale de la France, je pense à l’admiration qu’éprouveraient nos compatriotes en présence d’une œuvre semblable accomplie par d’autres que nous. Réfléchissant au rôle joué par notre pays dans ce « partage du monde » qui est le plus grand fait de notre époque, je pense qu’ils sont bien inconscients ceux qui clament notre décadence et