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LA FRANCE COLONIALE

sénateur et deux députés. Ce privilège leur a valu l’importation de nos mœurs électorales et contribue à diviser le pays en deux clans hostiles qui dépensent à de vaines polémiques une énergie qu’ils emploieraient plus utilement à d’autres fins.

La Guyane française.

La Guyane française est assurément celle de nos colonies qui mérite le plus d’attention. Elle est grande comme le Portugal et peuplée de 40.000 habitants.

Dès l’année 1604 des Français s’y établirent ; elle devint une féconde colonie de plantation, productrice réputée des denrées coloniales, et conserva jusqu’au milieu du dernier siècle une situation prospère. À ce moment la suppression de l’esclavage et la découverte de l’or désorientèrent son développement économique ; tout fut abandonné pour courir aux placers et la population, croyant tenir la fortune, travailla moins et cessa d’assurer l’avenir. Il en résulte qu’aujourd’hui la Guyane est un pays éteint ; nous la connaissons par son climat réputé meurtrier et pour son bagne mais nous mettons en doute sa valeur positive.

Il faut savoir que la Guyane est au contraire privilégiée pour toutes sortes d’exploitations du sol et du sous-sol. Elle se prête aux plus riches cultures et à l’élevage ; ses forêts sont immenses et remplies de bois précieux ; ses fleuves roulent l’or que ses rochers recèlent en quantités énormes, en même temps que le fer et l’argent ; son climat est humide et chaud mais bien moins insalubre qu’il n’est communément supposé.

Malgré cette variété de ressources, la colonie s’intéresse uniquement à la production aurifère. Ses cultures qui couvraient plus de 12.000 hectares en 1840 en occupent aujourd’hui 3.000, Pays d’élevage, elle importa l’année dernière pour 532.000 francs de bœufs ; pays de forêts, elle fait venir d’Amérique ses bois de construction !

Cette situation anormale est due sans doute à l’indolence de la population, mais surtout à l’absence de main d’œuvre et d’outillage économique. La colonie héberge plus de 6000 forçats, jalousement gardés par l’administration pénitentiaire, qui n’ont servi qu’à jeter sur elle un fâcheux discrédit ; elle n’a pas de routes, elle n’a pas de port, elle n’est pas même reliée par une ligne de navigation régulière avec la métropole !