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REVUE POUR LES FRANÇAIS

Ces détails ayant précisé le rôle du riz en Cochinchine, il faut ajouter que les rizières actuellement exploitées occupent à peine la moitié du delta susceptible de mise en valeur : c’est dire qu’on peut au moins doubler encore la production. Les riz de Cochinchine, inférieurs à ceux de Java, du Japon et même de la Birmanie, par conséquent peu appréciés sur les marchés d’Europe, trouveront toujours dans les pays d’Extrême-Orient, au Japon et surtout en Chine, des débouchés illimités. Ils sont la fortune du pays, c’est pourquoi nous y avons insisté si particulièrement.

Le Cambodge est le pays des Khmers. La race khmer, l’une des mieux civilisées de l’antiquité, a exercé sur l’Indo-Chine une influence affirmée encore de nos jours par quantité de ruines célèbres. Les monuments de la ville et de la pagode d’Angkor sont rangés parmi les plus beaux du monde antique. Les sociétés qui se donnèrent pour capitale cette cité merveilleuse atteignirent sans doute un degré éminent de savoir et de puissance. Leur histoire nous est mal connue et rien ne prouve que les Cambodgiens d’aujourd’hui en descendent comme ils le prétendent.

Vers le ive siècle de notre ère, le Cambodge était province chinoise. Il conquit son indépendance au viie siècle et lutta constamment depuis lors, tantôt avec l’Annam, tantôt avec le Siam, jusqu’au jour où le roi Norodom, pour échapper à la domination de l’Éléphant blanc, accepta la protection de la France. La délimitation des frontières du Cambodge devenu protectorat et quasi-possession française, entraîna d’interminables pourparlers avec le Siam et aboutit au traité de 1902 qui n’a pas accordé à la France toutes les garanties désirées.

Le Siam se régénère sous la poussée des étrangers qui lui ont imposé leurs services. Anglais, Japonais et Allemands y exercent une influence que nous n’avons malheureusement pas su leur disputer. Nous avons intérêt à surveiller attentivement l’émancipation de ce voisin. À la première occasion favorable il revendiquera certainement nos provinces cambodgiennes arrachées à sa suzeraineté. Sachons prévoir cette éventualité, gardons nos frontières, mais fortifions surtout les liens qui nous unissent à nos protégés cambodgiens : rivaux séculaires des Siamois ils confondront leur propre cause avec la nôtre si nous savons gagner leur sympathie et leur donner conscience de la force qu’ils tirent de