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UN COLLÈGE MODÈLE

ces aussi bien que les lettres et l’histoire et qui faussent de façon irrémédiable le jugement du jeune garçon en le privant des notions de proportion, d’évolution et de pénétration réciproque et perpétuelle qui sont l’essence des phénomènes matériels et humains. On remarquera que le cours de sciences introduit des études nouvelles et en élimine d’autres et que surtout les mathématiques, la physique et la chimie s’y mêlent d’un bout à l’autre à d’autres études. Le laboratoire et le cabinet de physique doivent être, en effet, les annexes, les compléments de l’instruction d’ensemble, de même qu’il convient d’analyser les principes de la mécanique quand l’application en surgit et non pas théoriquement et groupés artificiellement.

Dans le cours dit d’humanités, l’histoire c’est-à-dire la narration des faits n’est là que pour servir de trame. La littérature, la philosophie, l’art doivent être constamment mis à contribution. C’est, en somme, l’analyse substituée à la synthèse comme base de l’enseignement secondaire préalable (après vient la spécialisation s’il y a lieu)[1]. Il n’y a aucune monotonie à craindre dans la répétition de ce programme d’une année à l’autre. Il va de soi, par exemple, que les §§ 12, 13, 16 du cours scientifique, 5, 7, 8, 21, 29 du cours d’humanités seront traités tout autrement en 4e année qu’en 1re  ou en 2e. De plus, les procédés changeront aussi ; pour les premières années, on recourra fréquemment à l’enseignement par l’aspect, aux projections de paysages et d’illustrations. Par ailleurs, il est naturel qu’une leçon d’arpentage se donne en plein air et l’étude des chemins de fer peut, avec avantage, se faire dans une gare. On peut monter en classe tout le mécanisme d’une banque ; on l’a fait déjà en Amérique avec plus grand succès. Le maniement d’une charrue, la vue d’un timbre-poste, l’audition même d’un morceau de musique, tout peut servir à graver dans l’esprit et dans la mémoire de l’élève ce dont le professeur lui parle. C’est à celui-ci de s’ingénier constamment pour varier ses procédés d’enseignement et pour tenir en éveil l’attention de l’élève.

Nous prévoyons un seul professeur pour chaque cours (soit deux par classe) et nous jugeons essentiel que les deux programmes scientifique et d’humanités ne soient pas scindés entre plusieurs professeurs ; mais nous croyons excellent, d’autre part, que cha-

  1. Nous renvoyons le lecteur pour plus de détails à nos Notes sur l’éducation publique, Hachette, éditeur, pages 82 à 112.