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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

ser détourner, en accueillant et en répandant de pareilles idées » de la besogne quotidienne à laquelle ils doivent s’atteler et qui consiste à agir, à l’intérieur de la société capitaliste et sur le terrain de l’ordre social actuel, pour l’amélioration de leur sort. C’est à peu près l’esprit des Trades Unions britanniques ; ce sera l’esprit de tous les groupements professionnels arrivés par la bonne organisation et le progrès pédagogique à une certaine maturité et à une conception réfléchie de leurs intérêts. Mais cette maturité c’est la mort du politicien, la ruine de son influence. Voilà pourquoi il se préoccupe en général de ne l’y point conduire et s’attache à l’étourdir par des bribes de faux savoir au lieu de l’instruire de façon honnête et pratique. Des hommes tels que MM. Jaurès et Bebel emploient de la sorte leurs belles capacités et l’impasse dans laquelle ils s’égarent les conduit parfois à de regrettables palinodies. Le tour d’escamotage par lequel au congrès de Mannheim ce dernier vient de déclarer que, tout le monde étant d’accord sur la question de la grève générale, il est inutile d’en parler plus longtemps, constitue l’aveu d’un échec complet. Les gens de Mannheim font entendre ce cri de guerre d’un nouveau genre : nous capitulons ! Hoch ! Hoch ! Hurrah !

Deux îles agitées.

Le prince Georges de Grèce a quitté l’île de Crète et a pris congé des habitants par un manifeste parfaitement digne et qui a, en plus, l’avantage de poser la question crétoise de la façon la plus claire et sans que personne puisse s’en froisser. Le prince s’est borné à formuler le vœu que l’annexion de l’île au royaume hellène ne tarde pas et a recommandé aux Crétois d’attendre avec patience la réalisation de leur désir à cet égard. Rien à critiquer dans un pareil langage. Mais on ne pouvait mieux souligner le caractère inéluctable de la solution finale. Il faudra bien que les puissances en arrivent là une fois ou l’autre. Elles l’ont elles-mêmes reconnu le jour où elles ont résolu de soustraire la Crète à l’occupation ottomane et de lui donner un prince grec comme gouverneur. Ce pouvait être habile de leur part de faire attendre quelque peu aux Hellènes l’attribution de ce beau morceau du territoire national mais on ne voit pas ce que la paix balkanique peut gagner à ce que l’attente se prolonge davantage. La nomination de M. Zaïmis