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REVUE POUR LES FRANÇAIS

prises. L’esclavage dans la société arabe du viie siècle était regardé comme une nécessité économique inéluctable. Les nations de l’Europe chrétienne qui ont elles-mêmes proclamé très haut cette nécessité mille ans plus tard pour la mise en valeur de leurs territoires d’outre-mer sont mal venues, nous semble-t-il, à gourmander les musulmans d’en avoir maintenu la coutume. D’ailleurs l’influence musulmane a singulièrement adouci l’esclavage et la manière dont on le pratique aujourd’hui encore au Hedjaz n’a rien de barbare.

Quant à la polygamie, tous ceux qui ont vécu en pays arabe savent parfaitement qu’elle demeure une vraie nécessité sociale et qu’en la condamnant le Prophète eut manifestement donné une prime à la débauche.

Avant de juger cette œuvre colossale il convient de toujours se rappeler que l’islam n’a pas été créé pour les Français du xxe siècle mais pour les Arabes du viie ; observons-le dans sa sphère, non dans la nôtre : nous lui accorderons alors plus d’indulgence et sans doute quelque sympathie.

Mais une autre objection nous arrête, plus raisonnée celle-là, d’apparence plus solide : la loi musulmane, religieuse et civile, dictée au viie siècle de notre ère et considérée dès ce moment comme parfaite et définitive, retarde aujourd’hui de treize siècles et condamne à l’immobilisme les populations qui lui sont soumises ; en supprimant le libre arbitre elle déprime l’énergie de l’homme et l’encourage à la paresse.

Peut-être est on porté à exagérer la vérité de ces deux propositions. Le fatalisme musulman est beaucoup moins absolu qu’on ne le suppose a priori. Il ne consacre pas complètement l’impuissance humaine à mieux faire. C’est plutôt une philosophie qui fait considérer comme inévitables les grands maux de la vie mais qui n’empêche pas pourtant qu’on travaille à les retarder ou à les atténuer. C’est la résignation, non la passivité.

En ce qui touche le progrès, sans lui être défavorable, l’islam n’en facilite assurément pas l’évolution. Le progrès tel que nous le comprenons semble même incompatible avec certains préceptes du Coran. Il ne faut pas songer dès lors à l’imposer aux communautés musulmanes. Mais on peut sans doute par la diffusion de l’instruction à notre manière fournir aux docteurs de l’islam des moyens d’interprétation, des bases d’accommodement, des armes qui faciliteront plus ou moins aisément l’adaptation de