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tant, dans une égalité réelle. Le Prophète a voulu que tous, grands et petits, forts et faibles, esclaves ou monarques, viennent, ensemble, le corps nu, le front à terre, reconnaître leur égalité devant Dieu. Le chemin de fer ôtera à ce grand acte de foi et de fraternité humaine toute sa valeur morale, tout son prestige, et le transformera en une coutume de vulgaire superstition. »

La cinquième obligation est la guerre sainte. L’opinion européenne se méprend singulièrement sur sa vraie signification. Elle ne consiste pas à faire de l’islam une religion conquérante et sanguinaire. Elle ne veut pas dire que les Musulmans doivent traiter en ennemi tous ceux qui ne partagent pas leur foi. Toutes les religions ont dû, à leur début, employer la violence et fonder leur domination spirituelle sur un pouvoir temporel ; elles ont toutes accordé les palmes du martyre aux fidèles morts du bon combat. Pour augmenter l’enthousiasme de ses partisans, Mahomet, menacé par le paganisme, déclara guerre sainte, la lutte contre les idolâtres. Elle n’a plus aujourd’hui qu’une valeur purement défensive. Elle n’a rien de barbare puisqu’elle respecte et protège non seulement les non-combattants vieillards, femmes et enfants, mais encore — ce qui montre bien l’estime de Mahomet pour les religions différentes de la sienne — les prêtres non musulmans.

Telles sont les prescriptions fondamentales du Coran. Il contient en outre quantité de conseils sur toutes sortes de sujets, conseils obscurs parfois qui eussent donné lieu à bien des disputes si le Prophète n’en avait laissé, de lui-même, un vivant commentaire. La personnalité de Mahomet n’a rien de divin aux yeux des musulmans — le culte que lui rendent aujourd’hui certaines confréries est tout à fait contraire au dogme pur — mais il est pour eux l’homme-modèle qu’il faut imiter. À côté du Coran existe un autre livre, les Hadits qui constitue en quelque sorte la mise en œuvre de ses préceptes. C’est un recueil de renseignements particuliers sur la vie privée de Mahomet, d’exemples tirés de ses actes, des plus simples aux plus solennels, une espèce de livre des rites et de manuel du savoir-vivre. Le recueil des Hadits, composé dans une langue beaucoup moins littéraire que le Coran, est infiniment plus répandu. Il a créé parmi les musulmans, à côté de l’unité de dogme et de croyance une unité de mœurs et de coutumes qui augmente encore leur cohésion.