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LA TRADITION DE LA FRANCE

Capétiens, et cette politique eut pour résultat désastreux d’accroître, par mariages, les domaines de la Maison d’Autriche et d’unir cette Maison à l’Espagne contre la France pour la défense de leurs possessions en Allemagne et aux Pays-Bas. Ajoutez à cela la folie des guerres d’Italie. À la fin du règne de Louis XIV, « la France est à peine plus grande qu’elle ne l’était sous Charles vii ».

Autre chose : aux seizième, dix-septième et dix-huitième siècles, beaucoup de Français ne demandaient qu’à partir pour « les îles » ; l’indifférence du gouvernement et l’intolérance religieuse ruinèrent ou gênèrent des efforts qui n’auraient pas manqué de produire de grandes choses. « L’épisode décisif de l’histoire du monde moderne, qui se place au dix-huitième siècle, c’est l’abdication de la France devant l’Angleterre en tant que puissance coloniale et ruche-mère des colonies à venir. »

Pourtant la France demeurait encore l’État le plus peuplé du continent et restait le sensorium commune de l’Europe pensante. « Elle donnait toujours le ton ». C’est alors qu’eut lieu la Révolution française. « La Révolution française, c’est la France débarrassée du gouvernement qui n’avait jamais su tirer d’elle le maximum d’effort ni profiter de son avance historique pour l’asseoir dans une prépondérance inexpugnable ; elle prit l’offensive contre l’Europe. » Elle acquit du premier coup ce que trois cents ans de monarchie n’avaient pu lui donner. « Si elle s’était arrêtée à temps, les effets de fautes séculaires auraient été annulés ». Mais elle devint la proie d’un « général, italien de sang et d’esprit, qui se servit d’elle comme d’instrument pour édifier un empire à la romaine et résumer en sa personne Alexandre et César. Et c’est, si l’on veut, la troisième fois que les souvenirs de la Rome impériale ont agi énergiquement sur le cours de l’histoire de France ». « La France porta encore une fois la peine d’avoir eu des chefs inconscients de ses intérêts et de leur devoir. »

Après Napoléon, dans tout le cours du dix-neuvième siècle, la France s’est efforcée de restaurer et d’appliquer les principes de la Révolution. « Les trente dernières années sont les plus pacifiques de notre histoire, et le pays n’a jamais été plus tranquille, plus heureux, plus prospère qu’aujourd’hui. »

Mais il ne peut être aujourd’hui question de sa primauté, ni d’ailleurs de primauté pour personne, ni militaire « depuis qu’il