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L’ANGLICANISME À SON POINT D’ARRIVÉE

Mais d’autre part, elle fut devenue anti-anglaise dans le fond si en évoluant elle eût marqué des tendances à se rapprocher de Rome. Les Anglais par leur tempérament, leurs goûts, leurs habitudes d’esprit ont besoin d’une religion qui soit à la fois solennelle et nationale. Ils ont souhaité que la leur recouvrât les aspects pompeux dont les circonstances l’avaient peu à peu dépouillée, mais ils ne pouvaient permettre que pour les recouvrer elle fut conduite à perdre son caractère national. Telle est la double signification des efforts obscurs, des pensées contradictoires, des ardeurs incohérentes par lesquelles depuis cent ans, s’est traduit le mouvement religieux en Angleterre. La question a été compliquée par le fait de l’existence de groupements protestants et catholiques très vivaces et résolus, les premiers à tenter d’enrayer le mouvement dit ritualiste, les seconds à tenter de le détourner vers eux.


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Gladstone écrivait un jour, en évoquant des souvenirs de jeunesse, ces lignes suggestives que M. Thureau-Dangin a citées dans ses remarquables études sur le ritualisme anglican : « Nos offices étaient probablement sans pendant dans le monde par leur vulgarité. » Il aurait pu ajouter : nos clergymen n’avaient sans doute point leurs pareils pour l’égoïsme et la paresse. L’excès de mal provoqua la réaction. Quelques jeunes clergymen en furent les premiers artisans. L’amour de Dieu et du prochain les animait ; ils étaient anxieux de rendre au culte son prestige et de réveiller la piété des fidèles. Se borner à constater qu’ils rétablirent l’usage des ornements et la plupart des cérémonies symboliques de la messe, ce serait ne mentionner que la moitié de l’œuvre accomplie par eux. Leur vie austère, leur zèle apostolique, leur soif de dévouement exercèrent dès le principe une action considérable sur des populations qui avaient perdu l’habitude de voir le clergé pratiquer de telles vertus. Ils se suscitèrent par là de nombreux et enthousiastes disciples parmi les travailleurs et les humbles. En haut lieu, au contraire, on se moqua d’eux et on les chargea d’opprobres et de calomnies. Il était dès lors immanquable qu’ils tentassent de s’unir pour se fortifier les uns les autres et faire triompher leur cause. Ainsi naquirent ces sociétés plus ou moins secrètes qui s’appelèrent la Société de la croix et la confré-