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LES NOUVELLES HÉBRIDES

créé à leur usage par les Européens, espèce de petit-nègre anglais agrémenté de français et d’espagnol, qu’on appelle bichlamar. Rien n’est précieux pour eux comme un cochon : cet animal leur sert d’étalon monétaire et détermine entre eux la valeur des objets précieux, des femmes, entr’autres, dont la condition — devons-nous l’ajouter ? — est des plus médiocres.

Malgré cette infériorité morale et intellectuelle, les Néo-Hébridais fournissent à nos colons une main-d’œuvre utile, suffisante aux travaux grossiers de l’agriculture et de l’élevage. Tous ceux qui les traitent bien s’en déclarent satisfaits.

Rivalité franco-anglaise

Prenez une carte du Pacifique sud, et vous constaterez de suite la dépendance géographique des Nouvelles-Hébrides par rapport à la Nouvelle-Calédonie ; étudiez la valeur respective des deux groupes, et vous reconnaîtrez qu’ils se complètent. Leur contraste est flagrant. Les Nouvelles-Hébrides, pays essentiellement agricole, apparaissent comme l’annexe normale de la Nouvelle-Calédonie, pays exclusivement minier. Elles forment un ensemble géographique parfait. Ce sont deux membres d’un même corps. Qui possède l’un doit avoir l’autre. La France propriétaire de la Nouvelle-Calédonie, réclamant les Nouvelles-Hébrides, ne fait donc qu’exercer un droit imprescriptible.

Outre ce droit fondamental, elle appuie ses revendications sur des titres incontestables qui sont : la priorité d’occupation, la possession des terres, leur mise en valeur, la suprématie commerciale le nombre des colons, les travaux effectués, l’introduction de la vie civilisée.

Ces titres, acquis en dehors de toute participation officielle, sont l’œuvre exclusive de quelques Français courageux et hardis. Isolés du monde, reliés à la Nouvelle-Calédonie par le service irrégulier d’un méchant vapeur de cent tonnes, privés d’état civil, livrés à eux-mêmes, ces précurseurs ont témoigné d’une extraordinaire énergie. Ils s’en trouvent aujourd’hui récompensés au-delà de leurs rêves.

Nous en avons personnellement visité un grand nombre. Tous sont contents, d’accord pour célébrer leur terre d’élection. « C’est un plaisir que culture dans un pays comme celui-ci » nous disait l’un d’eux, et, de fait, ce brave homme, venu avec rien