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mières conquêtes, à gauche sur les Allemands, à droite sur les Russes. Déjà s’esquissait le double duel qui allait remplir son existence nationale : déjà s’affirmait aussi l’élément principal de trouble et de faiblesse qui paralyserait son action et affaiblirait la portée de ses succès : le parlementarisme.

Le cran d’arrêt de la Pologne.

Car si le nom paraît récent, la chose est ancienne. Non seulement la Pologne mais la Bohême, la Hongrie et une partie de la Russie en souffrirent. C’était, il est vrai, un parlementarisme exagéré jusqu’à l’absurde. La majorité n’y suffisait pas ; il fallait l’unanimité. À moins que quelque coup de force ou d’audace ou mieux quelque engagement corrupteur ne vint l’assurer, comment cette unanimité se fut-elle constituée parmi tant d’intérêts adverses et de castes hostiles ? Le parlementarisme polonais a trouvé sa formule suprême dans trois actes célèbres qui en dominent tout le développement et dont les principes, pour n’avoir pas toujours été publiquement proclamés, n’en ont pas moins été en faveur constante auprès des gouvernants. Le premier de ces actes est la constitution Nihil Novi votée en 1505 et par laquelle il demeurait interdit au prince de rien innover en quelque matière que ce fut sans la permission du Sénat ; la diète de Radom qui l’avait votée ne comprenait ni clergé de rang inférieur, ni bourgeois, ni paysans — rien que les représentants des classes privilégiées. Le second acte est connu sous le nom de Pacta conventa. La diète en imposa l’acceptation à Henri de Valois lorsqu’en 1573 il fut élu roi de Pologne. Le souverain s’engageait à ne lever des impôts, à ne désigner les ambassadeurs, à ne se marier même qu’avec l’agrément des députés ; quel président de république consentirait à exercer sa charge à de pareilles conditions ? Le troisième acte, le Liberum veto établi en 1652, donnait à tout opposant le droit d’annuler par son intervention la volonté de l’assemblée entière ; et s’il advint qu’on passât outre, il advint plus souvent encore que le respect d’une si monstrueuse législation attira sur la patrie les maux les plus terribles. Ces textes ne faisaient que codifier de vieilles coutumes slaves auxquelles la Pologne se suicida en demeurant fidèle tandis que la Russie grandit en les laissant