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LA POLOGNE INCONNUE

conséquent de Riga à Stettin, de Stettin à la mer Noire, de la mer Noire à Ekaterinoslaw et d’Ekaterinoslaw à Riga — dans ces limites ont évolué les destins de la Pologne aux périodes d’expansion comme aux périodes de recueillement, aux heures de gloire comme aux heures de décadence ; pays de plaines successives et de larges forêts, sans autre obstacle que la distance, suffisamment peuplé et policé pour assurer de bonne heure aux voyageurs une sécurité relative et rare en ce temps — pays propice aux chevauchées guerrières et aux transports marchands, carrefour du progrès européen entre le nord encore isolé dans les brumes et le sud décomposé et tombé déjà sous le joug taciturne de l’Islam — pays de plaisirs sportifs et d’échanges fructueux, sans cesse sillonné par les hommes et les idées, où devaient se trafiquer également les terres des seigneurs et les indulgences de l’église, où se parleraient les langages les plus divers et se négocieraient les affaires les plus osées — pays prédestiné au cosmopolitisme et à l’hospitalité, voué à se faire adorer par ses fils, exploiter par ses hôtes et convoiter par ses voisins.

Pays-tampon surtout, condamné à recevoir le choc des assauts asiatiques et de l’héroïque résistance duquel allaient dépendre le sort de l’Europe, point de mire des invasions, et l’avenir de la civilisation, victime probable de la barbarie. Tels sont le théâtre et le raccourcis du drame.

Débuts légendaires.

Que fut Krak, le soi-disant fondateur de Cracovie ? Exista-t-il seulement ? Et Wanda, la reine belliqueuse dont les armées firent reculer, dit-on, celles d’Alexandre-le-Grand ? Et cette dynastie des Lesezks dont l’un des princes aurait vaincu Jules César ? L’étymologie même du nom polonais demeure indécise. Il s’agit évidemment d’une des tribus Lygiennes qui occupaient les territoires situés entre l’Oder et la Vistule et dans la tentative pour envahir la Gaule fut repoussée par les légions romaines, sous le règne de Probus. Le premier chef dont le contrôle historique puisse révéler l’existence fut Miceslas ou Miechko lequel, converti par sa femme qui était sœur du duc de Bohême, embrassa le christianisme en 966. Peu après fut érigé l’évêché de Posen et la Pologne, sous le règne de Boleslas Chrobry, réalisa ses pre-