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REVUE POUR LES FRANÇAIS

son nom se termine par la victoire du parlement. Le terme de restauration appliqué au rétablissement de la dynastie Stuart est aussi impropre que celui de république sous lequel on désigne le régime précédent. Les annales postérieures de la France ont fâcheusement influencé sous ce rapport la critique historique. La France a établi une véritable république et a vu se produire une véritable restauration ; la république d’Angleterre, au contraire, ne fut qu’un césarisme inachevé et la restauration, un changement de souverain. Le principe monarchique ne grandit pas de Cromwell à Charles ii. Sans doute, la « légitimité » du roi ne fut pas étrangère à son rappel ; mais le véritable vainqueur ce fut le parlement.

Lorsque Guillaume-le-Conquérant distribua à ses grands vassaux les fiefs de son nouveau royaume, ils se trouvèrent dispersés d’un bout à l’autre du pays dans des « manoirs exigus. » Aucun, parmi eux, ne se sentit assez puissant pour pouvoir, même aidé de ses plus proches voisins, entrer en lutte avec la royauté. L’union s’imposait donc. De cette nécessité sortit le parlement et, dès le xiiie siècle, la noblesse avait eu en lui une sorte d’organe régulier chargé de défendre ses intérêts auprès du roi. Il ne faut pas, bien entendu, prendre ce mot de parlement dans le sens d’assemblée nationale. Représentatif, il ne le deviendra, à proprement parler, qu’au xixe siècle lorsque s’effacera l’oligarchie qui l’avait confisquée. En attendant il demeure l’incarnation du droit de contrôle ; il fait partie des institutions nationales et c’est pourquoi la monarchie traditionnelle quand elle vise à se passer de lui, à le comprimer, n’a pas du moins la tentation de le supprimer ; cette suppression la diminuerait. Cromwell ne pouvait avoir les mêmes scrupules. Jusqu’au xviiie siècle l’existence du parlement ne fut menacée que deux fois ; sous Marie Tudor, parce que Philippe d’Espagne, son époux, était assez riche par lui-même pour dédaigner les subsides du peuple anglais ; après la mort de Charles ier, parce que le pouvoir passait aux mains d’un soldat aux instincts césariens. Maître de l’État, appuyé sur une armée fidèle, Cromwell devait forcément verser dans l’abus de la centralisation et du régime administratif. Les césars sont tous les mêmes ; dès qu’ils cessent de faire la guerre, ils sont en quelque sorte obligés d’organiser la paix et cette organisation ne peut se faire que par le fractionnement indéfini et la réglementation minutieuse ; une institution parlementaire est impropre à vivre sous le césarisme.