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NOTRE SŒUR ROUMAINE

entravée par une banqueroute retentissante du concessionnaire ; il fallut surmonter la crise intérieure de 1870 causée par la véhémence avec laquelle les Roumains prirent parti pour la France contre l’Allemagne — et la crise extérieure de 1877 provoquée par la guerre russo-turque. Le régime des tarifs prohibitifs et celui des traités de commerce s’opposèrent l’un à l’autre. Le scandaleux procès de Koloszvar et le traitement infligé aux Roumains de Transylvanie tendirent dangereusement les relations avec la monarchie austro-hongroise. On dut faire face enfin aux troubles antisémites et régler la question de la naturalisation des « étrangers non chrétiens » question qui avait provoqué l’intervention de l’Europe et l’hostilité marquée de l’Angleterre… Au travers de tout cela, il y avait le commerce à développer, les finances à consolider, l’armée à organiser.

Quarante ans ont passé et ces choses sont accomplies. La constitution de 1866, conçue sur le modèle belge, a fait preuve de vigueur et d’élasticité ; l’ordre de succession au trône est fixé. Les Roumains ont le droit d’être fiers de leur œuvre et d’envisager avec confiance l’avenir ouvert devant eux.


France et Roumanie

Ils aiment infiniment la France et lui gardent une profonde reconnaissance des services rendus mais — à quoi bon le nier ? ils se croient oubliés d’elle. La vérité est que certains malentendus, sur lesquels on n’a jamais cherché l’occasion de s’expliquer franchement, les ont desservis auprès de l’opinion française qui, à plusieurs reprises depuis trente ans, s’est montrée injuste à leur égard. Dernièrement pourtant un écrivain français ayant suggéré la fondation d’une association destinée à resserrer les liens traditionnels d’amitié entre les deux pays, cette simple suggestion a provoqué à Bukarest une grandiose manifestation de sympathie. Quatre vingts des citoyens les plus éminents et les plus en vue de la capitale ont aussitôt inscrit leurs noms au bas d’une formule chaleureuse d’adhésion. Ainsi est née la Ligue franco-roumaine qui se propose ce double but : développer les relations commerciales d’une part et fortifier, de l’autre, les rapports intellectuels — amener en un mot les Français à se porter vers la Roumanie tant avec leurs marchandises qu’avec leurs idées.