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NOTRE SŒUR ROUMAINE

mains ont établi péremptoirement par les aspects même de leur génie et les formes de leur activité, le caractère certain de cette hérédité. Les slavomanes considéraient naïvement leur slavisation comme accomplie : ils avaient, du reste, affiché naguère une prétention semblable à l’égard des Hellènes. Aujourd’hui qu’Hellènes et Roumains ont été vus à l’œuvre dans l’exercice de l’indépendance nationale et de la liberté civique, il suffit d’un regard pour reconnaître à fleur de peau ici le sang grec et là le sang latin. Les germes slaves ont disparu, éliminés ou absorbés. La nationalité primitive survit seule.


La fondation des principautés

Établis en l’an 106 sur le territoire des anciens Daces (c’est-à-dire la Hongrie orientale et la Transylvanie actuelles), les colons latins y avaient aussitôt prospéré et, par eux, s’était créé en ces régions un foyer très intense de vie romaine. Malheureusement la nouvelle Dacie, éloignée des centres impériaux, devint vite difficile à protéger. Sous Hadrien il fut question de l’abandonner. Cet abandon fut réalisé par Aurélien en 374. Une migration s’ensuivit assurément mais il est acquis désormais que la grande majorité des futurs Roumains demeurèrent fidèles à leur pays d’adoption. Devant le flot des invasions barbares qui se succédèrent par la suite, ils se retirèrent vers les hautes vallées abandonnant la plaine fertile à la rapacité des hordes conquérantes pour n’y reparaître qu’aux heures de sécurité. L’existence large et facile de la province romaine fut dès lors remplacée pour eux par une vie de rudes labeurs et de pauvreté. Cette vie les trempa fortement. Ils apprirent d’elle à porter la lourde mais précieuse armure des peuples opprimés : la patience.

Au xiie siècle un peu de paix étant revenue, on les vit paraître en grand nombre sur les flancs des Karpathes et, comme ils s’étaient fait oublier, la surprise fut grande. Dès que la domination bulgare eut remplacé en Transylvanie celle des Avars (678), les Roumains y descendirent et y formèrent des embryons d’États sous le protectorat de l’empire bulgare avec lequel ils entretinrent des relations amicales. Deux siècles plus tard survint la conquête hongroise (898) déterminant une partie des Roumains de Transylvanie à passer les montagnes et à s’établir dans la plaine du Danube et dans celle du Pruth. Ainsi furent fondées les futures principautés.