rières a allumé un incendie de discorde qui peut parfaitement aboutir à un entassement sans pareil de ruines et de misères. Et si, comme on semble maintenant le craindre, la Compagnie et ses ingénieurs, complètement affolés, ont tenté de sauver une partie des galeries en y murant ceux qui peut-être y vivaient encore, qui donc n’excuserait pas l’ivresse de colère dont, en ce moment même, le sol français est secoué ? Il se peut qu’un mouvement de réaction se dessine aux élections prochaines par suite de tous ces incidents, troubles dans les églises et destructions de propriétés qui menacent la sécurité publique ; car enfin — ne l’oublions pas — les ouvriers d’industrie sont, en France, une petite minorité comparée à la masse des propriétaires et des travailleurs agricoles. Mais une réaction de ce genre risque d’être peu durable. La conscience nationale est alarmée par des faits comme ceux dont elle vient d’être témoin. Les capitalistes de Courrières ont tiré à balle sur le capitalisme ; s’ils ne réussissent pas à le renverser, ce ne sera pas leur faute !
Ce qui prouve que le syndicalisme n’est peut-être pas le dernier mot du progrès, c’est qu’il semble parvenu à son plus haut degré d’épanouissement dans le plus retardataire des milieux, le milieu chinois. Les syndicats du Céleste empire sont des corporations de métier administrées à la républicaine et à l’autocrate à la fois. Les chefs en sont élus mais leur autorité sur les adhérents, pour passagère qu’elle soit, ne s’en exerce pas moins de façon très despotique. On dit que ces syndicats — fort anciens — disposent aujourd’hui de richesses considérables. Leur action, en tous les cas, vient de s’affirmer d’une façon tellement générale qu’il faut bien voir en eux la seule organisation réellement puissante de cette civilisation cristallisée. Il s’agit du boycottage exercé sur les produits américains. On sait que les États-Unis ont fermé leurs frontières à l’émigration chinoise. L’exécution de cette mesure n’a pas été facile ; l’impossibilité où se trouvaient les agents américains de distinguer un Chinois d’un autre faisait que les mêmes papiers servaient à plusieurs et que des nouveau-venus s’introduisaient en justifiant de leur identité avec des compatriotes déjà entrés ; car la loi de prohibition n’avait pas d’effet rétroactif et il n’avait été procédé à aucune expulsion. Peu à peu cependant la surveillance se resserra.