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RÉVOLUTION MENTALE



S’il fallait d’un mot caractériser cette année 1905 si féconde en événements d’une portée lointaine, nous dirions qu’un fait y paraît dominer et résumer tous les autres : l’unité politique du monde est accomplie.

Nos pères avaient vu se former sous leurs yeux étonnés son unité matérielle. Auparavant il semble qu’il y ait eu plusieurs mondes isolés les uns des autres. Les voyageurs qui les avaient découverts et les traversaient à grand renfort d’énergie et d’endurance en rapportaient d’étranges notions et des récits troublants. On eût dit que les races écloses en ces milieux différaient des nôtres autant qu’en peuvent différer celles dont nos imaginations peuplent les astres de la voie lactée. Par la suite, une sorte de brume se dissipa ; la boule terrestre apparut, rapetissée mais plus séduisante, gagnant en intérêt ce qu’elle perdait en mystère, offrant à l’activité humaine un ensemble assez uniforme sous ses aspects inverses. On connut que la civilisation pourrait s’établir en tous lieux et y vivre. Bientôt, en effet, un casino fonctionna au Yukon, l’impératrice de Chine donna audience aux ambassadrices, le Shah de Perse se promena en automobile et des cartes postales illustrées portèrent le timbre de Tombouctou. Du moins subsistait l’espèce de hiérarchie créée par l’histoire entre les divers États. Le Mikado ne recevait pas de télégrammes de l’empereur François-Joseph et le président des États-Unis ne négociait point de concordat avec le Saint-Siège, les politiciens d’Europe ne s’inquiétaient pas des lois votées par le parlement de la Nouvelle Zélande, les tarifs douaniers de la Rhodesia ne comptaient pour rien dans la balance et la question des fortifications d’Apia ou de Pango-Pango n’attirait l’attention de personne.

Ces temps ne sont plus, d’autres sont nés. Les instituts vénérables ont seuls qualité pour examiner à loisir s’il convient de s’en réjouir ou de s’en affliger. Peut-être les deux conviennent-ils