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L’ACTUALITÉ MAROCAINE

caine s’ajoutent les discordances du concert des puissances. L’excellent programme de M. Delcassé s’est trouvé appliqué quelques années trop tard. Faute d’à-propos et de mise au point, il a malheureusement échoué.

Mais, à côté de ce programme d’action politique directe, d’autres moyens sont à notre portée. L’un des principaux consiste à nous créer des amitiés parmi les chefs de tribus et les caïds. Au cours de missions successives qu’il s’était fait confier par le gouvernement français, feu Coppolani a montré la valeur de ce procédé. Sur ce terrain, la France est très privilégiée. Nous possédons seuls, en effet, un personnel nombreux d’expérience musulmane suffisante ; nous trouvons seuls, parmi nos sujets musulmans d’Algérie, des auxiliaires utiles. Aurions-nous commencé plus tôt ces négociations discrètes, aurions-nous plus tôt contracté ces bonnes relations avec les chefs puissants qui se partagent le pays marocain, nous y rencontrerions sans doute aujourd’hui un concours efficace pour le progrès de nos entreprises. Ici encore, nous sommes partis trop tard, mais ici nous pouvons agir en toute liberté. L’avenir nous reste, avec les mêmes avantages que le passé.

Nous ne devons pas non plus négliger d’exercer une action morale. N’oubliez pas qu’en pays neuf, la bienfaisance et la philanthropie sont les bases nécessaires de tout commerce. M. Jonnart n’a-t-il pas récemment décidé d’installer dans les centres du sud-algérien des « médecins de colonisation » ? Cette tentative a tous nos suffrages. Les médecins jouissent là-bas d’un énorme prestige. La nation dont ils se réclament en bénéficie largement. Nous devons donc envoyer au Maroc un nombre important de médecins. Offrons de beaux avantages aux docteurs français qui voudront s’établir dans les villes et les ports ouverts ; pour les missions à l’intérieur, faisons appel aux docteurs musulmans, formés selon nos méthodes, à la Faculté de médecine française de Beyrouth ; ils inspireront plus de confiance que les chrétiens et serviront tout aussi bien nos intérêts. Nous en parlons pour savoir ce qu’ils valent et pour les avoir vus à l’œuvre. À côté des médecins, multiplions les dispensaires, les distributions de secours et de médicaments. Les plus farouches nomades, contre lesquels la poudre et l’or ne peuvent rien, seront gagnés par la charité…

Développons également notre influence intellectuelle, propageons notre langue, et, par son canal, nos idées. L’auteur de cette