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REVUE POUR LES FRANÇAIS

— dans le Sous et le Tafilelt, nous trouvons le dattier, l’olivier, le taqqaouiout dont les fruits sont utilisés pour le tannage du « maroquin », l’alfa, etc., etc. Au nord, dans les pays de Fez et de Marrakech, croissent de superbes céréales, l’oranger, l’olivier, et d’immenses forêts de chênes. Sur les pentes de l’Atlas viennent les grands cèdres, et les arar, espèce de pins qui fournissent un bois de construction inaltérable.

Pays privilégie entre tous ses voisins d’Afrique, le Maroc est bien arrosé. Des fleuves dignes de ce nom — la Moulouïa, l’oued el Kouss, le Sebou, le Tensift, l’oued Sous, etc., — y fertilisent de spacieuses vallées, de vastes plaines où la grande culture et l’élevage sont capables d’intensité. Chevaux, chèvres, moutons, bétail, y produisent de très belles espèces. C’est la Normandie africaine. Son sous-sol est riche, également. On le connaît peu, et déjà l’on y trouve le cuivre, le fer, le pétrole, l’argent, le cinabre, l’arsenic, et même l’or.

Constatant la capacité productive actuelle de ces régions barbares dévastées par les guerres locales, privées de communications, ennemies du progrès, vous pouvez affirmer qu’elles possèdent une grande valeur intrinsèque. Elles sont capables de développement. Si des Européens pouvaient en diriger l’exploitation, ils en feraient un pendant de l’Égypte. Mais le pays marocain reste impénétrable. À l’extrémité du continent, protégé par l’immensité des mers et des sables, il a toujours servi de refuge aux peuplades autochtones de l’Afrique du Nord, aux Berbères, contre les envahissements de l’étranger. Phéniciens, Grecs, Romains, Portugais, Espagnols, Anglais, Français ont bien pu s’installer tour à tour dans les ports de Tanger, de Ceuta, de Larache et de Mogador ; les Arabes seuls ont pénétré dans l’intérieur.

Le Maroc, qui n’est pas un État, n’est pas davantage une nation. Berbères et Arabes, partagés en tribus et en clans, groupés par confréries religieuses, luttent de façon ininterrompue les uns contre les autres, et même entre eux.

Quelques millions de Berbères et d’Arabes, quelques centaines de milliers de Maures et de Juifs, quelques centaines d’Européens : telle est la population du Maroc. Comment l’évaluer avec exactitude ? il n’y a pas de recensement. Dans certaines villes, on compte les maisons, et on leur attribue un chiffre moyen d’habitants ; ail-