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REVUE GÉNÉRALE. — études criminelles et pénales

l’éminent statisticien, dans une « Communication sur l’organisation de la statistique pénale en Italie » (Rome, 1890), nous offre un essai, fort méritoire et instructif, de statistique comparée, mais il nous initie en même temps aux « difficultés qui s’opposent aux comparaisons internationales dans cette branche » de la science. Des années s’écouleront avant que ces difficultés soient résolues. En attendant, on se lasse de répéter toujours les mêmes banalités tristes, que le crime et le délit augmentent, que la récidive progresse, que la marée du suicide ne s’arrête pas. Pour varier, la dernière statistique criminelle parue (celle de 1888 !) essaye, bien timidement, dans le rapport officiel, de se présenter sous un aspect plus favorable. À prendre les chiffres en bloc, délits vrais et délits factices mêlés et confondus, il y a, en effet, une légère diminution sur l’année précédente ; mais si l’on prend à part les délits et les crimes vraiment dignes de ce nom, assassinats, meurtres, vols, escroqueries, abus de confiance, il y a hausse graduelle et continue. Vraiment, dans cette statistique, malgré la meilleure volonté du monde, je ne trouve rien de consolant et de rassurant qu’un point, étranger, il est vrai, à notre sujet, mais que je signale avec bonheur aux hommes de finance. C’est la diminution notable et progressive des frais de justice criminelle. Les affaires criminelles ont eu beau se multiplier sans cesse, il a suffi au garde des sceaux de recommander à la magistrature plus de vigilante économie pour que, au heu de croître comme on aurait dû s’y attendre, les frais aient diminué d’année en année, depuis cinq ou six ans. Pour les affaires d’assises, le montant moyen des frais avait été, en 1886, de 356 francs par affaire ; il n’a plus été que de 328 francs en 1887, et de 296 en 1888. En matière correctionnelle, où le calcul se fait par individu, on relevait une moyenne de 19 fr. 19 centimes par prévenu de délit commun en 1886 ; ce chiffre tombe à 16 fr. 90 centimes en 1887 et à 15 fr. 81 centimes en 1888. Au total, les frais se décomposent en deux portions, celle qui est recouvrable sur les biens des condamnés et celle qui ne l’est pas. La seconde est insignifiante, elle a seulement baissé de 269,025 francs en 1886 à 262,808 francs en 1888. Mais la première, de beaucoup la plus considérable, a décru bien plus rapidement : en 1886, elle était de 6,116,755 francs ; en 1888, elle n’est plus que de 4,963,523 francs. Combien ce phénomène budgétaire est propre à nous rassurer pour les finances françaises ! Car, assurément, il n’est pas contestable que le budget de la justice criminelle est le plus indispensable avec celui de la guerre, et en même temps le moins élastique de tous les budgets de l’Etat ; il se prête infiniment moins que celui des travaux publics, du commerce, de l’agriculture, etc., à des suppressions de dépenses, vu le caractère urgent et capital des besoins auxquels il répond. Par suite, il est évident que, le jour où on le voudra bien, le jour où l’esprit d’économie, j’allais dire outrée, qui règne au ministère de la justice et qui devrait régner là beaucoup moins qu’ailleurs, puisque la justice est la plus essentielle des fonctions de l’État, aura envahi contagieusement tous les autres