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UN POINT CONTROVERSE DE LA THÉORIE DE LA CONNAISSANCE


I

Si le connaissable comporte un inconnaissable, ou, plutôt, si j’ai la moindre appréhension de cette existence parallèle ou sous-jacente, il faut, pour produire en moi cette appréhension et la notion elle-même de l’inconnaissable, que celui-ci se manifeste d’une manière quelconque à mon intelligence. Mais alors il rentre dans la classe des choses connaissables, et le problème fondamental de l’agnosticisme apparaît comme absurde en soi. Il se résout avant d’être posé.

Affirmer l’inconnaissable, c’est, aussitôt, le nier. La loi de l’identité des contraires supragénéraux ou surabstraits ne saurait recevoir de confirmation plus éclatante.

Les agnosticistes font grand cas de l’analogie qui assimile à l’aveugle-né ou au sourd-muet dans leurs rapports avec la lumière et le son, l’homme pourvu de ses cinq sens, dans ses rapports avec l’inconnaissable. Nous acceptons volontiers le parallèle. Les mêmes causes nous semblent, en effet, produire, dans un cas, la croyance à l’existence d’un univers sans clarté et sans bruit, et, dans l’autre, la foi à un monde connaissable doublé d’un monde inconnaissable. Cette dernière illusion nous paraît en outre toujours identique à elle-même, soit qu’elle obscurcisse la vue pure et simple de l’univers en le voilant du fantôme de Dieu, soit qu’elle détermine la vision trouble d’un univers et de son essence impénétrable.

Loin d’être une hypothèse, et encore moins une hypothèse impossible à vérifier, comme on l’a prétendu, l’affirmation que l’humanité se trouve devant l’inconnaissable dans la même situation que l’aveugle-né ou le sourd-muet devant la lumière ou le son, constitue, au contraire, une vérité certaine. Malheureusement, elle s’énonce à l’ordi-