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CH. FÉRÉ.mouvements volontaires

L’anesthésie n’atteint guère l’intensité qu’on lui voit présenter chez les hystériques. Elle ne s’accompagne pas, en général, de troubles dysesthésiques disséminés ou en plaques (zones érogènes, dynamogènes, spasmogènes).

Les troubles de la sensibilité chromatique des épileptiques consistent plutôt en dyschromatopsie qu’en achromatopsie ; on peut remarquer d’ailleurs que chez quelques hystériques, la dyschromatopsie se rencontre : j’en ai observé plusieurs qui ont l’habitude de répondre « noir » quand on leur montre du violet, mais reconnaissent voir une couleur singulière qu’ils ne sauraient pas nommer. On ne peut pas faire varier à volonté l’anesthésie des épileptiques par des excitations périphériques, ou au moins on ne peut pas lui imprimer des modifications aussi intenses que chez les hystériques ; pourtant le transfert s’obtient quelquefois : on connaît d’ailleurs les faits de Hirt, de Buzzard, de Pitres sur le transfert des sensations prémonitoires de l’attaque épileptique (aura).

Toutefois, la sensibilité des épileptiques se trouve modifiée dans certaines circonstances : il existe quelques observations relatives à l’étude des troubles sensoriels consécutifs à l’accès d’épilepsie, notamment celles de MM. Thomsen et Oppenheim, Finkelstein, d’Abundo. J’ai repris cette étude en me faisant amener chaque matin tous les malades qui ont eu des accès récents. On peut dire, je crois, qu’il existe constamment des troubles sensoriels à la suite des paroxysmes, quelle que soit leur forme. Les paroxysmes laissent après eux un certain degré d’anesthésie qui porte sur tous les sens.

Lorsque la stupeur post-paroxystique ne se produit pas et qu’il persiste à la suite des convulsions un certain degré d’excitation, qui constitue comme le supplément de la décharge, l’anesthésie peut n’être pas constatée, mais on la retrouve plus tard quand la dépression se produit. L’anesthésie post-paroxystique présente des différences très considérables dans sa durée, suivant les sujets et suivant la forme des accès. Quelquefois, on n’en trouve plus de traces au bout d’une heure ou même moins ; d’autres fois, principalement à la suite d’attaques répétées, elle peut persister pendant plusieurs jours. La persistance de ces troubles permet de mesurer la durée de la dissolution des éléments de la stupeur, et cette mesure paraît avoir de l’importance au point de vue du pronostic de la démence qui résulte de la reproduction répétée de ces mêmes troubles et de leur installation définitive.

La déchéance intellectuelle est moins en rapport avec la fréquence des accès et leur violence apparente qu’avec l’intensité des phénomènes de dépression qui suivent les décharges.