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EVELLIN.possibilité d’une méthode

d’autres puissances, une énergie accidentellement tenue en échec par des énergies rivales. Que va-t-il arriver ? L’acte qui devait se produire et qui, sauf obstacle, se serait produit à l’instant même où était posée la puissance, se trouvera suspendu, et il le sera jusqu’à ce que l’obstacle soit levé.

Il est clair que, dans ce cas, acte et puissance seront pour nous non seulement distincts, mais séparés ; la puissance demeure immobile, l’acte, au contraire, ne peut apparaître qu’avec le temps et sous certaines conditions.

C’est de la même façon que s’explique, avec la pluralité de l’être, la distinction non moins importante de la cause et de l’effet. Cause et effet, dans un être unique, doivent se confondre, parce que l’effet ne peut y être que l’action même de la cause, et que la cause ne peut se séparer de son action. Pour que, la cause subsistant, l’effet puisse ou non se produire, il faut qu’un changement de circonstances intervienne ; or, ce changement n’est possible que si certaines conditions sont ou ne sont pas données, et, en dernière analyse, que si, dans l’ordre des faits réels et des raisons objectives, il y a eu concours ou opposition d’énergies.

D’ordinaire, on le remarquera, ce qu’on appelle effet n’existe que dans l’esprit et pour l’esprit. Un son retentit, je suppose, à la suite d’un mouvement vibratoire. La cause du son est hors de nous, c’est le mouvement ; mais le son, qui est l’effet, est en nous ; on peut même dire qu’il ne serait pas sans un acte de coopération involontaire, mais positif de notre part. Généralisons : l’effet résulte de trois conditions ; deux sont extérieures et objectives : la cause et l’ensemble des activités qui l’aident ou l’entravent ; lu troisième n’est autre que l’esprit lui-même, l’être sentant où l’effet est représenté.

Que la cause posée, l’une des deux conditions subséquentes fasse défaut, et l’effet aussitôt disparaît. Un choc peut se produire sans que le mouvement vibratoire le continue jusqu’à l’organe, et le mouvement peut avoir été transmis jusqu’à l’organe, sans que, pour une raison ou pour une autre, le sens soit capable de l’interpréter et de le traduire en son. On le voit, l’effet, tel qu’on l’entend d’ordinaire, n’est pas si près de sa cause qu’on pourrait le croire, et le fil qui unit l’un à l’autre peut se briser en chemin.

Revenons à l’acte. Il est à la puissance ce que l’effet est à la cause, et se dislingue pour les mêmes raisons de son antécédent naturel.

On conçoit à présent la raison de son apparente supériorité sur la puissance. Il se montre à un moment donné dans le temps ; c’est donc que la puissance qui le met au jour, entravée d’abord, est