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ses dépouilles, et l’être prétendu de la matière, cet être que les sens avaient si longtemps cherché où il n’était pas, est revenu enfin ou à des principes immatériels ou à l’esprit.

Le terrain ainsi déblayé, nous nous trouvons de nouveau en face du problème qui domine toute cette étude. Faut-il faire un pas de plus ? Est-il permis de tenter une suprême réduction et de substituer au condominium des deux philosophies rivales, une philosophie unique et incontestée, au moins dans son principe ?

Quelle que soit la difficulté de l’entreprise, remarquons que les conceptions aujourd’hui opposées ne sauraient avoir des titres égaux. L’une, par définition, exclut l’autre ; ne faut-il pas croire que l’une doit éliminer l’autre ? Elles ne sauraient être vraies en même temps ; supposera-t-on qu’elles puissent paraître toujours et à tous les points de vue également vraisemblables ?

Il est clair qu’en elle-même et dans la réalité des choses, l’une des deux est plus forte et mieux armée pour la lutte ; reste à savoir comment la reconnaitre et à quel signe.

Certes, nous ne pouvons songer à entrer dans l’économie des deux doctrines et à tenter, après tant d’autres, des analyses d’une complexité décourageante. La solution, ainsi cherchée, est sans doute l’œuvre des siècles. Il faut attendre qu’à travers des générations nombreuses, la science et la critique aient multiplié leurs efforts pour que les hypothèses dont il s’agit aient été étudiées en détail et explorées sous toutes leurs faces. Si, dès maintenant, le problème est accessible, il n’est, à notre avis, qu’une chance d’aboutir : renoncer au détail des doctrines, circonscrire avec précision l’étude que l’on en veut faire, ne les comparer enfin que dans leurs principes et à leur base.

Les systèmes les plus populaires, ceux qui ont le plus longtemps régné dans l’histoire, se sont surtout recommandés de l’intime union et de l’accord de leurs parties, mais ce signe ne pouvait être et n’est pas, comme on serait d’abord porté à le croire, un critère absolu de leur valeur ; autrement, la balance entre eux eût dû rester éternellement indécise. Si tous, une fois posés, se suffisent, le droit absolu de se poser ne peut appartenir qu’à un seul.

C’est donc à leur point de départ, c’est à leur racine, qu’il faut étudier le polydynamisme et le monisme.

Or, on ne peut faire le premier pas dans une étude ainsi définie et comprise, sans s’apercevoir que monisme et polydynamisme partent de principes, non seulement distincts, mais opposés, et que ces principes sont ceux-là même qu’une précédente analyse a mis en lumière : être et phénomène