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EVELLIN.possibilité d’une méthode

sirable qu’au lieu de s’arrêter devant les obstacles et de reculer vers le scepticisme, la philosophie, après Leibniz, eût poussé aussi avant que possible dans la voie ainsi ouverte devant elle. Les solutions difficiles ne se dégagent jamais que du choc des idées contraires ; c’est la loi : il faut, quand il s’agit de questions aussi enveloppées et complexes, passer par la thèse et par l’antithèse pour arriver à la synthèse qui est le vrai.

En ce qui concerne le problème spécial qui nous occupe, les obstacles que la raison a fait surgir sous nos pas, ne sont apparemment qu’une sorte de pressante invitation à le poser comme il doit l’être, et à pénétrer plus profondément dans son étude. Sans doute, elle ne nous eût pas contraints de déterminer les éléments nécessaires à sa solution si ces éléments devaient nous manquer. Ils ne nous manquent pas en effet. Telle est du moins la thèse que nous nous proposons de soutenir et dont nous esquisserons tout de suite les traits principaux.

(a) En premier lieu, nous avons besoin d’un fait certain, positif, tangible en quelque sorte et hors des atteintes du doute.

Ce fait nous est donné : c’est l’existence du phénomène.

Nulle philosophie n’a jamais contesté le phénomène, nul être raisonnable ne l’a jamais mis en question. On peut douter ou croire douter de l’être que le phénomène recouvre, parce que l’être est inféré et affirmé plutôt que perçu. Le phénomène est l’évidence même, parce que seul il est donné en intuition.

Est-il, d’autre part, une base plus large que le phénomène, pour y asseoir la méthode ?

Dire qu’il n’est pas de fait plus général ne serait certes pas assez dire, puisqu’il représente, à lui seul, l’ensemble des faits.

Le phénomène est donc bien le point de départ que nous cherchions, et il suffit d’un moment de réflexion pour s’apercevoir que nul autre ne satisfait aux exigences du problème.

Or l’existence du phénomène implique, selon nous, une vérité d’une importance capitale : celle de la pluralité de l’être.

C’est sur ce point que portera tout l’effort de notre argumentation. Si une telle preuve est possible, le principe de la pluralité de l’être n’est plus une hypothèse quelconque, mais une hypothèse privilégiée entre toutes et hors de pair.

On peut dès lors affirmer qu’elle sera féconde, et en faire le point de départ d’une métaphysique, spéciale sans doute, mais fondée à son origine et solide.

(b) Poursuivons : ce principe ne peut donner ce qu’il enferme que si on lui applique maintenant une méthode appropriée et spéciale.