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pensée se réclame est quelque chose de solide ; c’est l’être en soi, l’action autonome et maîtresse d’elle-même, non un vain simulacre qui ne fonderait ni la pensée ni quoi que ce soit.

Penser c’est déjà agir, et agir c’est être. Il ne faut donc pas dire que l’être dépend dans son existence de la pensée qui l’affirme, mais que la pensée ne l’affirme que parce qu’elle reconnaît qu’elle dépend de lui.

L’action, en définitive, est au fond de tout. Sans action, pas de phénomène, et sans phénomène, pas de pensée. Au moins la pensée, telle que nous l’observons en nous-mêmes, est-elle, dans cette hypothèse, impossible.

On demandera peut-être si l’action identique à l’être est l’action que la pensée manifeste, ou le fond d’invisible énergie qu’on place d’ordinaire sous le phénomène pour expliquer son existence et lui servir de support. Sur ce point nous n’avons point encore à répondre, car répondre serait prendre pour résolu le problème que nous abordons en ce moment même. Quelle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne, l’action s’impose ; voilà le point précis d’où nous entendons partir. Jaillit-elle du dedans, du dehors, ou de part et d’autre à la fois ? Nous n’en pouvons rien dire quant à présent, car, pour se décider à ce sujet, il faudrait, au préalable, savoir si l’action est une dans le monde, ou, si, ramifiée et multiple, elle émane de centres divers. Or, cette question, la plus grave que nous ayons à traiter, puisque c’est d’elle que dépend le sort de la méthode, est encore intacte.

Il importe, en revanche, d’écarter, dès l’entrée, un malentendu possible. L’être dont nous parlons n’est ni une idée générale ni une forme purement logique. Sans doute, l’être abstrait n’est conçu que par des opérations qui impliquent l’activité, mais pris en lui-même il n’implique à aucun degré l’action. L’être métaphysique, le seul dont il soit question ici, est, non un concept, mais une réalité, et une réalité sans laquelle ni représentation ni concept ne seraient possibles, puisque l’activité qui les crée est précisément identique à l’être. Il est donc entendu que ce terme d’être si vague et si diversement interprété selon les philosophes et les doctrines, n’a pour nous qu’une signification unique : l’action en son centre et à sa source, l’action autonome, l’action en soi. Partout où nous pourrons supposer que l’action rayonne, nous aurons le droit de parler d’être, et nous nous promettons de ne viser dans nos conclusions que l’être ainsi entendu et défini.

Ces préliminaires posés, nous entrons dans le vif du problème qui domine la métaphysique tout entière. Si l’être est, la métaphysique