l’être en général : et l’immortalité qui lui convient, la seule à laquelle le panthéisme puisse ajouter foi est sans relation avec la vie présente, sans responsabilité et sans conscience. Il reste donc encore à disputer à la mort et au néant non pas le principe spirituel en général, mais cette âme particulière qui pense, qui aime, qui agit et qui respire en nous[1]. » Je ne veux pas tirer parti de l’expression métaphorique de respirer, bien qu’on soit peut-être en droit d’y voir au moins une tendance à la matérialisation de l’âme, mais en laissant ce terme se représente-t-on bien la pensée, l’amour et l’action sans aucune base physique ? Est-ce une conception réelle que celle qui sépare l’intelligence des perceptions et des données des sens, et surtout que celle qui sépare l’affection de tous les phénomènes physiques qui l’accompagnent ? On dira sans doute d’une part que c’est moi qui ici ne me forme pas une idée suffisamment abstraite de l’intelligence et de la sensibilité, — mais il faudrait prouver en ce cas que cette idée abstraite correspond à une réalité, et la démonstration n’est pas faite. D’un autre côté, on peut dire que, à supposer que l’idée abstraite de l’âme ne correspondit à aucune réalité, il se pourrait tout de même qu’il fût subjectivement possible de la former. Mais n’est-il pas à croire que l’on introduit sans le vouloir et sans le savoir des idées concrètes ou des résidus d’idées concrètes, loi^qu’on se représente cette vie future où l’on veut voir la continuation de notre personnalité présente si étroitement liée au corps, à ses besoins et à ses actes. Toutefois je ne prétends pas qu’il soit absolument impossible de se représenter abstraitement une âme distincte du corps, je me borne, au sujet du passage que j’ai emprunté à M. Franck, à émettre un simple doute sur la conservation instinctive d’éléments matériels dans la conception de l’âme. Examinons la doctrine d’un autre spiritualiste qui a tâché de donner plus de précision à la conception de la vie future.
« À quelle condition, se demande M. Caro[2], puis-je réellement me retrouver, me reconnaître moi-même dans mon éternité future, garder enfin cette identité personnelle que l’on veut bien me permettre, mais que l’on semble craindre de définir ? » La première condition, d’après M. Caro, c’est le souvenir, puis la survivance des affections de la vie terrestre ; mais cela ne lui suffit pas et ici, il me semble, si atténuée, si voilée, si épurée, si l’on veut, que soit la pensée, il me semble commencer à voir apparaître un germe de matérialité.
« Donc, pas d’identité personnelle sans mémoire, pas de mémoire sans amour. Pour me ravir le souvenir de ce que j’ai aimé, il faut