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gustatives, musculaires, la connaissance incomplète de l’objet implique la représentation de ce complexus. Comment s’effectue cette représentation ?

Lorsque je pense à un objet, à un être, à une personne, l’état de conscience qui s’éveille est assez complexe ; si je pense, par exemple, à une personne de connaissance, j’ai une image visuelle assez faible qui me la représente telle que je l’ai vue, cette image visuelle chez moi manque souvent de précision, je ne peux dire la couleur des vêtements, et si je cherche à fixer mon attention sur un détail, l’image de l’ensemble s’évanouit, et généralement le détail n’apparaît pas ; de plus cette image varie et se transforme, des fragments d’attitude, diverses expressions de physionomie se succèdent sans ordre, j’ai aussi une image auditive du timbre de la voix, sans me représenter toutefois une phrase ou même un mot prononcé. En même temps, il naît en moi un état de conscience particulier qui naît de mes rapports particuliers avec la personne que je me représente. Si c’est, par exemple, une personne avec qui il m’est arrivé plusieurs fois de jouer aux échecs, les dispositions voulues pour jouer à ce jeu s’éveilleront faiblement ; si c’est une personne avec qui j’ai parlé plusieurs fois de philosophie, des fragments de conversation me reviendront à l’esprit, ou bien les idées que nous avons agitées ensemble, se représenteront à moi et je réfléchirai plus ou moins sur le sujet qui nous a préoccupés. Enfin, les impressions actives se réveillent comme les impressions de la vue et de l’ouïe et donnent à l’esprit un ton particulier, et cet ensemble peut servir à constituer une idée ; mais des facteurs de cette idée les uns sont bien plus importants que les autres. Examinons-les successivement en les analysant plus à fond.

Les impressions visuelles peuvent aller à ce qu’il semble de l’hallucination à l’extrême opposé qui est le défaut complet ou à peu près de puissance de visualisation. M. Galton a trouvé ce dernier caractère chez les personnes adonnées aux études abstraites ; la faculté de se représenter les images visuelles étant au contraire assez forte relativement chez les enfants et chez les femmes. Brierre de Boismont a cité le fait d’un peintre qui pouvait à volonté se représenter devant lui son modèle comme s’il y était en réalité. Les formes vives de l’image visuelle sont d’ailleurs bien connues, on en trouve une description très bonne dans l’ouvrage de M. Taine, sur l’Intelligence. Je voudrais surtout insister ici sur les formes faibles et peu accusées. Ce sont elles que je trouve en moi le plus facilement, en général, du moins, car la faculté de la visualisation me paraît varier selon les circonstances. En ce moment elle est presque atrophiée. Je