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comique. » Il est très remarquable de voir cette poule, habituée à élever des poussins, faire abstraction de toutes les différences qui séparent un jeune poulet d’un paon et exercer avec ce dernier ses habitudes générales, tout en les modifiant convenablement, c’est-à-dire encore en séparant certains éléments psychiques associés par l’habitude.

Mais c’est évidemment chez l’homme qu’il faut chercher les plus beaux exemples de cette abstraction qui permet d’appliquer une tendance générale à un grand nombre de cas particuliers différents. Nous n’avons pas à nous occuper ici de la généralisation, mais de l’abstraction seulement qu’elle présuppose. Et ce processus d’abstraction nous pouvons le vérifier à chaque instant, soit chez nous, soit chez les autres. Nous avons en nous un grand nombre de tendances, d’habitudes qui nous permettent de varier quelque peu nos actes, de les adapter à des circonstances nouvelles, précisément en supprimant dans les systèmes psychiques qui composent ces habitudes et ces tendances les éléments qui ne conviendraient pas aux cas particuliers qui se présentent.

Mais si cette plasticité, cette souplesse des tendances, si cette liberté relative des éléments psychiques qui permet l’abstraction et l’isolement de ces éléments est très fréquente chez l’homme, elle n’est pas absolument générale, nous avons vu de nombreux exemples de systèmes psychiques réunis par des éléments qui ne pouvaient se séparer ni de l’un ni de l’autre. La plasticité des systèmes psychiques qui est innée à quelque degré ne se développe que par une longue expérience ; certains éléments deviennent inutiles ou gênants en certains cas et, par l’activité systématique de l’esprit, ils tendent à être supprimés, le reste du système en acquiert un certain degré d’abstraction. La conception primitive, nous lavons vu, est un état vague et vide, moitié abstrait, moitié concret, moitié analytique, moitié synthétique, certains éléments y sont agglomérés qui doivent être séparés ensuite pour permettre le bon fonctionnement de l’esprit, de même certains éléments y sont isolés qui doivent s’associer à d’autres. Il est nécessaire que l’expérience désagrège ces éléments et permette de nouvelles combinaisons. Aussi voyons-nous que c’est en ce qui concerne les objets habituels de notre expérience que nos idées sont, au moins dans le cas des occupations journalières, le plus plastique, et que les éléments peuvent se séparer le plus facilement, à condition, bien entendu, que l’expérience ait agi en ce sens, comme cela arrive fréquemment. Nous voyons tous les jours des personnes qui ont la pratique d’un commerce, d’un métier, et qui ne possèdent d’ailleurs que des facultés