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abstrait, semi-abstrait et concret, au point de vue de leurs inconvénients et de leurs avantages, de leur faculté propre, des divers emplois qu’ils doivent trouver.

Nous n’avons envisagé jusqu’ici que des phénomènes isolés. Mais il faudrait envisager à présent leur rôle dans la vie. Ces phénomènes n’existent pas à part, ils font partie d’un organisme psychique qui est l’expression d’un organisme physique. Les phénomènes doivent, grâce à leur nature propre, se grouper d’une certaine manière, ils doivent aussi avoir dans la vie une influence particulière, de plus ils doivent être la marque d’une certaine tournure générale de l’esprit. Une feuille prise sur un arbre révèle la nature de l’arbre, de même dans l’esprit, où tout se tient, un phénomène que nous pouvons d’abord considérer en lui-même et analyser doit nous conduire à des données d’ensemble sur la nature de l’esprit qui le produit.

D’une manière générale on peut croire que le poète Victor Hugo, par exemple, a l’esprit autrement fait qu’un philosophe comme Stuart Mill : chez le premier tout se traduit par des images, chez le second il semble que les idées sont soigneusement dépouillées de tout ce qu’elles peuvent contenir de concret et de sensible qui gênerait la marche d’un raisonnement. Mais les types ne sont pas toujours aussi tranchés, il semble que la plupart des gens se servent tantôt d’idées abstraites, tantôt d’images, dont la nature varie d’une personne à l’autre. Les types intellectuels que l’on peut établir ne sont pas plus précis que les types de caractère. Ils répondent à quelque chose de réel, ils indiquent la prédominance dans tel individu de telle ou telle forme mentale qui implique ou qui détermine souvent une manière d’être particulière du reste de l’esprit ; nous devons nous représenter ces types comme des moyennes idéales, où se retrouvent à ce qu’il me semble toutes les variétés, mais elles semblent bien se grouper autour de certaines formes déterminées. Le type de pensée que nous venons d’étudier se rencontre d’ailleurs fréquemment même chez les esprits naturellement portés aux conceptions abstraites, et chez qui le libre jeu des éléments psychiques se manifeste le mieux. C’est au point de vue de la psychologie générale que nous l’avons étudié, en réservant pour plus tard la détermination de sa valeur et l’interprétation des types.