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RICHET.les réflexes psychiques

par suite de la complexité, chez l’homme bien plus grande, des associations d’idée, des comparaisons, des jugements, des souvenirs, au fond c’est le même phénomène que chez le chien ; c’est la lutte de deux réflexes : un réflexe d’excitation et un réflexe d’inhibition.

Chez l’homme presque jamais les réflexes psychiques ne peuvent se déployer avec toute leur puissance. Ils sont presque toujours ralentis, entravés, modérés, empêchés, par d’autres excitations qui leur sont directement contraires. Soit un réflexe quelconque de dégoût, de douleur ou de peur. Que de causes pour arrêter tous les mouvements qui sont la conséquence physiologique de cette émotion ! Il est presque impossible de supposer une circonstance quelconque où nous n’allons pas être arrêtés par quantité de considérations de toute nature, qui se présenteront simultanément et soudainement à notre esprit. Or ces considérations, ces idées images, auront pour principal effet d’arrêter notre impulsion instinctive. On peut dire que jamais nous ne nous livrons entièrement à tout notre dégoût, à toute notre douleur, à toute notre frayeur, et que nous modérons notablement l’expression de ces émotions. En effet, toujours quantité d’excitations inhibitoires (souvenirs ou excitants actuels) sont là pour combattre l’émotion provoquée. Il y a polyidéisme, c’est-à-dire coexistence dans la conscience de plusieurs idées, qui sont plus ou moins antagonistes des mouvements réflexes qui tendent à se produire.

Dans l’état de somnambulisme, il semble au contraire qu’il y ait monoidéisme[1] ; et qu’une seule idée soit présente à la conscience.

Si cette idée est telle ou telle émotion, l’émotion sera absolue, sans réticences, ni hésitations, ni inhibitions, et les réflexes observés seront l’expression presque schématique de cette émotion de l’âme. Par exemple, si à une somnambule on prononce le mot de serpent, aussitôt elle croira voir un serpent, et elle sera prise d’une terreur extrême ; elle poussera un cri d’horreur ; sa figure exprimera une frayeur cruelle, et elle se sauvera épouvantée.

Toutes les attitudes passionnelles, tous les mouvements de l’âme sont exprimés avec une puissance de mimique inouïe : je doute fort qu’il y ait au monde d’aussi bonnes comédiennes que les pauvres filles ignorantes qui sont magnétisées et hypnotisées. La mimique est admirablement expressive, et tous les sentiments, extase, admiration, colère, terreur, dégoût, mépris, menace ou amour, sont traduits avec une si saisissante vérité qu’on peut à bon droit les appeler

  1. J’ai signalé ce monoidéisme des somnambules dans mon mémoire de 1875, et j’en ai fait un des caractères principaux de l’état psychique des somnambules.