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reconnaître, entre l’organisation biologique et les plus hautes régions de la conscience, un groupe de faits intermédiaires où tant les représentations que les adaptations motrices participent à la fois aux caractères de la vie et à ceux de la pensée, où la correspondance de l’être avec son milieu est assurée par des représentations et des volitions réelles, mais par des représentations et des volitions embryonnaires régies autant par les lois du mécanisme vital que par celles de l’intelligence, ce qui ne peut être que si ces lois sont au fond identiques. L’effort de la psychologie zoologique doit tendre à mettre en lumière ces faits de demi-conscience et de raisonnement élémentaire, à en suivre le développement. De leur côté la psychologie humaine et la sociologie iront au-devant des solutions ainsi préparées en montrant que, comme l’animal, l’homme ne sait pas toujours ce qu’il veut et travaille à réaliser des fins qui le dépassent. Mais nous devons nous arrêter. L’étude de ces faits appartient non à une récension critique, mais à une recherche dogmatique de longue haleine sur la difficulté de laquelle il est inutile d’insister.

De la raison. — Ces conditions d’une bonne étude de l’instinct sont mieux remplies peut-être dans le chapitre que M. Romanes consacre à la raison que dans celui qu’il consacre à l’instinct lui-même, quels qu’en soient les incontestables mérites. C’est ici en effet que l’auteur montre comment des raisonnements élémentaires, embryonnaires, tout voisins de la simple perception sont possibles. « L’induction, dit-il, sort de la perception, pour ainsi parler d’une façon immédiate, et n’a pas besoin de passer par un processus de réflexion, comme la ratiocination peut et même doit en impliquer un : à cette phase, les raisons sont perçues et comparées, l’induction en est tirée, sans qu’il soit besoin de la pensée délibérante. Par exemple, je me dépêche pour prendre le train et je rencontre un homme dans la rue se dépéchant dans la direction opposée ; nous commençons tous deux à danser d’un côté à l’autre, rapidement, essayant tous deux de passer et chaque fois que nous agissons ainsi, il est évident que nous avons chacun conclu que l’autre passera du côté opposé ; pourtant, ces actes inductifs se succèdent avec tant de rapidité que non seulement il n’y a pas eu de pensée délibérante, mais ce n’est que par la réflexion que je puis ultérieurement conclure que j’ai dû accomplir autant d’actes inductifs séparés. » Toute l’escrime est fondée sur cette loi. On appelle avec raison de tels mouvements instinctifs ; non que tout l’instinct soit là, d’autres éléments y entrent, par exemple l’habitude ; mais ce mode de raisonnement implexe et élémentaire, ou peut-être un mode de raisonnement encore plus humble en constitue le trait essentiel et le thème orignal. Les excellentes pages consacrées