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mouvements très simples communiqués au bras gauche quand il était anesthétique pendant la veille ou pendant le premier somnambulisme : le souvenir en est certainement moins constant. Le plus souvent Léonore se les rappelle et nous dit : « Vous m’avez mis la main gauche comme cela, je l’ai gardée en l’air pour vous obéir ; je croyais que vous le vouliez. » Mais quelquefois, quand ces mouvements ont été très petits, ils semblent oubliés et Léonore, comme précédemment Léontine, prétend qu’elle n’a rien fait avec le bras gauche. Cependant ne nous hâtons pas de conclure que cet acte était réellement inconscient et restera complètement oublié.

Il survient en effet quelquefois, pendant le cours du second somnambulisme, un état nouveau, une sorte de crise fort étrange et dont je ne puis pas encore parler avec assez de compétence. Tout d’un coup et sans raison apparente, le sujet cesse de m’entendre et de parler ; il pâlit de plus en plus et c’est à ce signe que je reconnais le début de l’attaque. Lentement la figure change d’expression ; les sourcils se relèvent comme si les yeux allaient s’ouvrir, mais ceux-ci restent fermés et semblent cependant se diriger vers le ciel ; la bouche sourit et le visage prend une expression de béatitude. Puis les deux mains toutes droites se dressent en l’air ; enfin si l’attaque est bien complète, le corps tout entier se lève en se tournant vers la gauche, se penche en avant et reste comme suspendu sur un pied. Il m’est impossible d’entrer alors en communication avec le sujet, mais il me faut le surveiller de très près, car cette attaque finit brusquement. Tous les muscles se relâchent à la fois et le corps tombe si lourdement en arrière qu’il serait blessé si on ne le soutenait pas. Léonore, car elle est restée la même malgré cette crise, revient peu à peu de son émotion et me dit alors qu’elle a été éblouie par une lumière, qui s’est levée à gauche, a grandi, puis a disparu brusquement. Je ne parlerais pas maintenant de ce phénomène qui est évidemment l’attaque d’extase, s’il ne semblait avoir quelque rapport avec le souvenir des actes inconscients que nous étudions. En effet, si quelque souvenir de ce genre a échappé jusqu’à présent à Léonore, elle le retrouve constamment pendant l’extase et me le raconte après l’attaque. Cet acte qui semblait rester décidément en dehors de la conscience est remémoré maintenant après cette secousse violente.

Il faut convenir cependant que certains phénomènes ne deviennent jamais conscients : ce sont les phénomènes qui se passent pendant la léthargie complète. On ne peut, il est vrai, obtenir que des contractures, mais les contractures obtenues pendant le somnambulisme, même si elles sont ignorées de Léontine, sont connues par Léonore, tandis que les contractures produites pendant la léthargie,