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ANALYSES.d. cochin. L’évolution et la vie.

de la poussière et il retournera à la poussière, mais il est pétri d’un limon particulier, que la vie seule a su composer. » (pp. 134-135.)

Je citerai encore un autre passage où le problème de la vie est peint avec beaucoup de netteté et qui montre aussi que M. Cochin n’abuse pas des entités métaphysiques.

« Voici donc deux phénomènes opposés, la construction et la destruction, le synthèse et l’analyse ; par le premier, les matériaux tirés du monde minéral, eau, acide carbonique, ammoniaque, ont formé les substances organiques supérieures : les albumines et les sucres ; par le second, les substances organiques ont fait retard au monde minéral, l’eau, l’acide carbonique, l’ammoniaque ont reparu.

« Nous devons établir ici une distinction essentielle. Quand nous disons que la vie est une force unique en son genre, dont aucun artifice chimique ne saurait contrefaire l’ouvrage, nous ne parlons que du premier phénomène, le phénomène de synthèse. Faire la synthèse de la substance organique, emmagasiner la chaleur et la force à l’état latent, voilà qui n’appartient qu’à la vie. Mais la combustion de la substance avec dégagement de chaleur et production d’acide carbonique et d’eau est un phénomène chimique, ce n’est plus un acte vital : l’usure de ce que la vie a créé ne lui appartient plus et n’est plus de son fait, il faut reconnaître là des effets chimiques et mécaniques.

« On pourrait donc déterminer à proprement parler, dans l’être vivant, le domaine de la vie et le domaine de la machine.

« La synthèse appartient à la vie ; il faudrait dire les synthèses, car il y en a deux : celle de la substance, celle dont nous nous sommes occupé seulement jusqu’ici ; puis celle de la forme. La première déjà est inimitable : on ne fabrique ni albumine ni sucre. La seconde, celle de la forme héréditaire, celle qui fera que du germe microscopique sortira un être semblable à ses parents, confond encore plus la raison.. Il ne faut rien voir là de mystérieux et de supérieur à la nature ; mais il faut bien constater des phénomènes étranges, et toutes les lois de la physique et de la chimie. » (p. 294, 295.)

« Dans la vie même, dit l’auteur à un autre endroit, tout est matière et mouvement. Seulement le mouvement est particulier, et la matière, soumise à ses vibrations, se constitue suivant des lois nouvelles. Elle produit des molécules sans pareilles parmi les combinaisons du monde minéral, et revêt des formes héréditaires qui n’appartiennent qu’aux êtres vivants. » (P. 286.) La force vitale est donc réduite à être simplement une loi, peut-être cela est-il sinon impossible, du moins difficile à concilier avec le passage où nous lisons à propos du germe : « Cette parcelle de matière contient en puissance tout un être et toute une race. Qu’est-ce que cette force insensible, cette force immatérielle qui est en elle ? » (P. 281.) Faut-il entendre que cette « force immatérielle » est simplement une loi du mouvement ?

On voit les raisons que M. Cochin peut trouver pour soutenir sa théorie, il fait un appel habile aux expériences de M. Pasteur sur les