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pensée et le soin avec lequel il s’attache à distinguer des faits et des produits proprement externes les phénomènes et les corps qui s’en rapprochent et peuvent être confondus avec eux. M. Cochin admire beaucoup les synthèses chimiques de M. Berthelot, mais ses convictions n’en sont nullement ébranlées. Il ne considère pas ces expériences comme prouvant réellement la synthèse de la matière organique. Voici d’ailleurs des passages de son livre qui donneront une idée de la façon dont il entend la question :

« Il nous semble que dans les recherches entreprises à ce sujet beaucoup de savants ont fait fausse route et qu’ils ont été victimes d’un malentendu. Trouvant dans les organes de l’être vivant un certain nombre de réactifs chimiques, qu’ils pouvaient isoler, ils ont cru que ces réactifs étaient les agents mêmes des phénomènes vitaux : ils n’avaient affaire qu’à des auxiliaires de la vie. Que la véritable action vitale soit entourée d’actions chimiques, physiques, mécaniques, personne n’en doute. L’être vivant, placé au milieu de la matière morte, est soumis comme elle aux lois générales qui régissent l’univers ; on voit seulement en lui outre l’effet, si je puis ainsi m’exprimer, des lois usuelles, l’effet d’une loi qui lui est particulière et qui le distingue de tous les autres êtres. » (C., pp. 148-149.)

M. B. Cochin rapporte ensuite, pour expliquer sa pensée, les expériences de M. Pringsheim sur la chlorophylle et son rôle dans la nutrition des plantes.

« Ainsi, dit-il, la sécrétion de la matière colorante, hypochlorine et chlorophylle, ne sert qu’à préparer à la substance vivante un abri contre les ardeurs du soleil.

« La chlorophylle n’est destinée qu’à modifier, à atténuer le rayon lumineux. Elle n’a en réalité ni une fonction vitale, ni même une fonction chimique. Ce n’est ni une matière vivante, ni un puissant réactif, ce n’est qu’un parasol. Où donc, dira-t-on, est la matière vivante, celle qui s’enrichit du carbone pris à l’acide carbonique de l’air ? Ce sont ces grains vus par M. Pringsheim, véritables cellules, douées, tant que leur vie dure, de la propriété de se réunir et de se reproduire, et exerçant leur action en dehors de toutes les lois de la physique et de la chimie dont on voudrait en venir chercher ici des applications. » (C. pp. 157-158.)

« Le germe, dit l’auteur à un autre endroit, là est le recueil de la vie et là doit être restreint le problème. Sans le germe, nous le verrons plus loin, les matières les plus fécondes, les plus semblables à celles où la vie réside, le lait ou le sang eux-mêmes, restent éternellement inertes et stériles ; au contraire, dès qu’un germe est présent, les matières minérales les plus inertes, les plus stériles, rompent les alliances formées par une affinité naturelle, obéissent à des lois nouvelles et se groupent en des combinaisons tout à fait inusitées, qu’aucune force chimique n’aurait provoquées. Le corps vivant sort