Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
revue philosophique

moteur, qui résultent de la prépondérance de l’une de ces formes, ainsi que le type indifférent qui résulte de plusieurs représentations différentes. Vient ensuite l’étude des troubles du langage intérieur, et nous trouvons d’abord un chapitre sur l’aphasie en général, puis des études sur la surdité verbale, l’aphasie motrice et l’agraphie, enfin les chapitres consacrés aux aphasies combinées et aux aphasies de conductibilité, aux localisations corticales des centres du langage et au diagnostic de différentes formes de l’aphasie. Dans la conclusion qui termine le livre, M. Ballet rappelle brièvement les progrès qu’a accomplis depuis vingt ans la question du langage et de ses altérations, ainsi que les méthodes qui ont permis de les réaliser.

Il n’est que juste de louer, dans le travail de M. Ballet, l’abondance des renseignements, la précision des exposés et des discussions, la clarté, l’intérêt, le souci de la méthode générale, de cette interprétation des phénomènes morbides à l’aide des phénomènes normaux. Ce travail s’imposera évidemment à quiconque voudra étudier le langage intérieur.

Mais il ne termine pas cette étude, et sans doute ce n’était pas là d’ailleurs la prétention de l’auteur. Je veux dire que si M. Ballet s’est habilement servi de la psychologie, la psychologie n’est pas complète encore en ce qui concerne le langage intérieur, et même que peut-être lorsque la psychologie aura atteint un état plus parfait, certaines interprétations devront être remplacées. Je voudrais indiquer quelques-uns des points sur lesquels je crois qu’il y aura à revenir.

D’abord M. Ballet me paraît négliger toute une classe importante de phénomènes, en ne disant rien des images abstraites. Je ne pense pas que l’on doive admettre que toutes les représentations de mots soient des représentations concrètes, auditives, visuelles ou motrices. Les images abstraites sont une sorte d’idée des mots ; de même que l’idée d’un cheval n’est pas l’image concrète d’un cheval, de même l’idée d’un mot n’est pas l’image concrète d’un mot. C’est là du moins ce que l’expérience me paraît montrer[1]. Je ne pourrais affirmer d’ailleurs qu’il existe un type abstrait comparable aux types visuel, moteur et auditif et aussi tranché que ceux-ci : les images abstraites paraissent se mêler aux images concrètes et les suppléer de temps en temps, quand par exemple l’esprit est en même temps occupé d’une autre chose que de l’image.

Une question qui se rattache à celle-là, c’est celle de la complexité des images concrètes. C’est un beau résultat de l’analyse clinique que d’avoir décomposé le souvenir d’un mot en quatre souvenirs différents, l’image visuelle, l’image auditive, l’image motrice d’articulation et l’image motrice graphique, mais peut-être l’analyse peut-elle être

    une lettre de M. Montchal adressée à la Revue philosophique et que j’avais reproduite aussi dans mon article.

  1. J’ai examiné cette question dans mon article sur Le langage intérieur et la pensée. Revue philosophique, janvier 1886.