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VARIÉTÉS


LOI D’ÉVOLUTION DE LA SENSATION MUSICALE

Dans les sciences dites positives la première préoccupation du savant est d’éviter toute chance d’erreur : ainsi, pour pouvoir fixer le temps vrai d’un phénomène, les astronomes calculent leur équation personnelle. Nous n’avons point jusqu’ici pris d’analogues précautions dans l’étude des choses de l’antiquité quand nous lisons un vieil auteur, nous ne pouvons l’interpréter qu’avec nos idées du moment et nous avons grande chance de faire, sous prétexte de grec, du pur moderne. Les monuments sont là pour corriger de leurs suggestions les textes ; la photographie nous a sauvés pour toujours des traîtrises du dessinateur ; mais les monuments n’ont pas encore été étudiés rigoureusement ; les formes n’ont pas été décomposées en leurs éléments mathématiques par une sorte de rapporteur esthétique, ni comparées en leurs formules ; on ne connaît point encore les lois de l’expression figurée des pensées, et par conséquent on n’a pu établir sur de simples observations empiriques une loi précise d’évolution des formes qui pourrait éclairer le développement des idées. Pour déterminer les erreurs que nous sommes exposés à commettre en interprétant par nos sentiments la psychologie des anciens, nous n’avons d’autre moyen que de comparer leurs associations de certaines idées bien précises et les nôtres ; si les associations sont différentes, il y a eu évolution dans un sens qu’il s’agit de préciser.

I. Deux idées bien précises sont le son et la direction ; deux associations non moins claires pour nous sont l’association du haut avec les sons aigus et du bas avec les sons graves. Nous substituons même couramment au qualificatif du son le qualificatif de la direction. L’explication physiologique de cette association est facile : on sait que l’intensité de son est en rapport avec l’amplitude des vibrations et que la hauteur ou l’acuité est en rapport avec le nombre de ces vibrations dans l’unité du temps. Mettez dans la main d’un auditeur nerveux un dynamomètre qui enregistre à un moment donné l’intensité de son effort de pression, faites entendre à ce sujet des sons croissant d’intensité et de hauteur, vous constaterez que ces excitations augmentent non seulement l’effort brusque, mais encore l’intensité et la durée de l’effort soutenu[1] : en un mot, plus les sont augmentent d’acuité, plus

  1. Ch. Féré, Sensation et mouvement (Revue philosophique, octobre 1885).