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D’après les premières énonciations[1] par lesquelles M. Stumpf a fait connaître la position qu’il prenait à l’égard de mes assertions, j’aurais pu le compter au nombre de mes meilleurs alliés ; car il les approuvait à tel point qu’il me restait à peine quelque chose à désirer. Mais, après m’être exprimé dans ce sens dans l’édition française de l’étude citée[2], M. Stumpf répondit par une note[3] dans laquelle il n’est plus question de son adhésion. Tout au contraire, elle est de nature à provoquer une vive réplique, ce à quoi je me vois forcé à mon grand regret ; car les idées que j’émets sont encore si peu développées que toute attaque un peu violente doit les faire rétrograder pour de longues années. C’est pourquoi je considère comme mon devoir de leur venir en aide et d’en prendre la défense, dès qu’un homme dont la parole a du poids se déclare contre elles. M. Stumpf voudra donc bien — selon que son humeur le lui permettra — m’excuser, si je mets un peu de brusquerie dans l’analyse de ces note.

II. Explication en vue d’éclairer la question.

Résumons tout d’abord l’objet des débats auxquels je consacre ces lignes. J’affirme que le langage et le chant dépendent, dans la représentation que nous en avons, de ce que nous envoyons des impulsions aux muscles au moyen desquels nous articulons les mots ou nous chantons[4] les mélodies. Nous avons, dis-je, la conscience de ces impulsions et cette conscience constitue la nature de la représentation qui est motrice.

Ces images motrices forment, dis-je, le noyau qui est recouvert par les images auditives ; mais mes adversaires contestent que chaque mot ou image auditive doive nécessairement contenir une image motrice. M. Paulhan croit, par exemple, que nous pouvons nous représenter les mots comme de pures images auditives ou de pures images visuelles (de lettres). M. Stumpf, d’un autre côté, croit que nous pouvons nous représenter des sons qui ne proviennent ni d’images auditives, ni d’images visuelles, ni d’images motrices.

Si même je crois avoir, par ce qui précède, suffisamment exposé la question en principe, je ne puis cependant m’abstenir de faire une comparaison de nature à caractériser ma théorie. Dans une question aussi importante que celle de la base psychologique du langage

  1. Tonpsychologie. Leipzig. S. Hirzel. 1883.
  2. Du langage et de la musique. Paris. Félix Alcan. 1885.
  3. Revue philosophique, décembre 1885.
  4. Pour le chant, le sifflement peut faire agir d’autres muscles.