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société de psychologie physiologique

la preuve[1]. J’ajouterai que chez l’hypnotique qui ne dort que cinq minutes, ces cinq minutes correspondent à des sensations organiques déterminées, la sensation des mouvements respiratoires, par exemple, et que la mesure inconsciente du temps devient dès lors possible. La suggestion que je considère comme la cause du phénomène dit « rapport magnétique » est évidemment une suggestion à échéances échelonnées, comparable à celle que je viens de citer, mais d’une interprétation beaucoup plus facile, car il y a dans ces cas plus qu’un souvenir ignoré des ordres reçus, et chaque échéance de la suggestion est déterminée par des signes actuels : le fait d’une volition plus ou moins intense chez l’hypnotiseur se traduit chez lui par des phénomènes physiques appréciables. Chez moi, du moins, ainsi que je l’ai dit déjà à la Société de psychologie physiologique, un effort de volonté purement psychique amène rapidement une notable accélération des mouvements du cœur, et je passe en moins d’une minute de 76 à 100 et même 120 pulsations. J’ai donc le droit de supposer que chez d’autres personnes le même phénomène, plus ou moins accusé suivant les cas, peut se produire dans les mêmes circonstances. N’est-il pas dès lors légitime de supposer que les phénomènes vasomoteurs, ou autres signes inconnus de nous, peuvent être inconsciemment perçus par le sujet, et produire chez lui ces sensations vagues qu’il attribue en effet à une influence personnelle de l’hypnotiseur ? Il s’agirait donc bien là, à mon avis, de phénomènes de même ordre que la suggestion mentale, mais infiniment moins délicats et moins complexes, et exigeant d’ailleurs du sujet une moindre sensibilité et une éducation moins parfaite.

Les développements dans lesquels je viens d’entrer m’ont paru nécessaires pour bien spécifier ce que les magnétiseurs appellent le rapport magnétique, et montrer que cette appellation s’applique à des phénomènes parfaitement réels. Or il nous faut remarquer qu’ils ne considèrent la suggestion mentale, qu’ils appellent la transmission de pensée, comme possible que sur des sujets avec lesquels ils sont « en rapport magnétique. » Ils ne la tentent pas en dehors de ces conditions, et ils la réussissent fréquemment. Comment s’étonner dès lors que le magnétiseur empirique, se voyant si constamment et si facilement obéi de son sujet, arrive à être convaincu de la puissance de sa volonté et de la transmission de la pensée sous l’influence de sa seule volonté ? Un grand nombre de gens instruits et cultivés qui s’occupent d’hypnotisme ont encore aujourd’hui cette conviction, car ils n’ont jusqu’ici rien trouvé, dans les écrits scientifiques, qui puisse les éclairer. Ce sont eux du reste qui réussissent le mieux leurs expériences : ce qui fait la force du magnétiseur empirique, c’est qu’il est de bonne foi ; il croit profondément à sa puissance, il espère fermement la réussite de ses suggestions ; cette confiance perce dans ses gestes, dans l’expression de sa physionomie, dans le ton de ses paroles, et, comme il est

  1. Beaunis. Loc. cit. p. 139, 140.